Le Règne des Thermidoriens, Août - Décembre 1794

Tout est Coupable, ici

12-FRUCTIDOR

Depuis le 29 octobre, sur la proposition de Tallien, une nouvelle procédure règle le cas des députés dénoncés. Désormais, les trois Comités examinent les dénonciations, puis décident de l’opportunité d’une Commission ad hoc. Enfin, la Convention procède à un appel nominal qui détermine s’il y a lieu à accusation. Ce système vise à donner un maximum de publicité à l’épuration projetée sur la personne des Montagnards les plus compromis dans la Terreur, à commencer par Carrier.
Le 11 novembre, les trois Comités proposent la mise en accusation de Jean-Baptiste Carrier, dont les excès meurtriers sont patents. Carrier se défend chaleureusement. Il décrit les horreurs démentielles et les tortures épouvantables imaginées dès l’origine par les Vendéens : femmes clouées vivantes sur leur porte, témoins du massacre à la hache de leur famille, républicains errants, yeux et oreilles arrachés, chapelets d’hommes pendus par les pieds au-dessus de brasiers, poignets sciés, emmasculations, visages découpés à la bayonnette …. Il conclut :“Comment l’humanité, morte dans ces crises terribles, eût-elle pu faire entendre sa voix ?”
Selon Carrier, la répression meurtrière est le fruit de cette situation, sans exemple dans l’Histoire. Carrier lance là le débat, toujours actuel, sur le rôle des circonstances dans la violence de la Première République. Carrier rappelle qu’il n’a été que l’instrument implacable mais légitime de la défense de la Convention assaillie. Carrier rappelle l’envoi par la Convention de Représentants en mission aux pouvoirs illimités, d’une part, et, d’autre part, le décret du 1er août 1793, voté à l’unanimité, qui ordonne de détruire la Vendée. A la tribune, Carrier s’exclame avec raison : “Tout est coupable ici, tout jusqu’à la sonnette du président.” A son procès, après avoir essayé de se tirer une balle dans la bouche, suivant en cela le conseil de Dubois-Crancé, il lance, prévoyant le sinistre avenir réservé aux Montagnards : “Entendez-vous donc mettre en cause tous les députés en mission ? … Si la justice nationale doit peser sur quelqu’un, qu’elle pèse sur moi seul.” Le 25, Carrier est décrèté d’accusation à l’unanimité de la Convention. Par un accord tacite, cette tête est censée sceller l’union retrouvée de la Convention, qui ne reconnaît plus la Terreur.
Le 2 décembre, la Convention, décidément méconnaissable, prend résolument le contrepied de la politique Montagnarde en offrant l’amnistie aux Vendéens. Elle se montre prête à l’autoflagellation : “La parole de la Convention est sacrée. Si d’infidèles délégués ont abusé de sa confiance, il en sera fait justice.” En fait, l’éxécution promise de Carrier aiguise les appétits vengeurs de la Droite, et protège les Thermidoriens inquiets. L’union promise aux Montagnards est un leurre. Alors que l’inflation et les subsistances deviennent des problèmes dramatiques, les Thermidoriens offrent déjà une nouvelle tête à leurs alliés insatiables : Fouquier-Tinville, ancien accusateur public du Tribunal Révolutionnaire, est décrèté d’accusation.
Les Thermidoriens cèdent toujours plus et ne sont plus pris au sérieux. Nouveau gage d’alliance, ils offrent une autre tête, celle du Montagnard Maignet dont la conduite en mission sera examinée. Et Lecointre attaque une nouvelle fois les membres des anciens Comités, responsables selon lui des excès de tous les Carrier.

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