Il faut attendre 1818 pour opérer une nouvelle sélection. Quelques régicides choisis sont autorisés à revenir en France. Decazes, ministre de l’Intérieur libéral, demande et obtient une partie du cadeau de noces qu’il avait demandé du roi Louis XVIII : le retour des bannis. Decazes est en relation étroite avec l’un des plus illustres bannis, le Duc de Parme, Cambacérès, auquel il doit une partie de sa carrière. Le 25 décembre 1818, il permet le retour de certains régicides, en particulier de ceux qui ont voté pour le sursis et de ceux qui lui ont été désignés par Cambacérès, plus Cambacérès lui-même. A la Chambre, Boissy d’Anglas et Lanjuinais ont appuyé le Ministre, critiqué par les Ultras.
Par ailleurs, d’autres régicides, comme Venaille, rentrent en catimini grâce aux démarches de leur famille. Laurence, fils de chaudronnier, a épousé une marquise au temps de sa puissance. Son beau-père accélère le retour du gendre. Les cas particuliers s’ajoutant à la mesure générale, une cinquantaine de régicides retrouvent leur pays. “Ils remercient le meilleur des rois de sa mansuétude et lui jurent fidélité et sont même prêts à le servir comme les plus fidèles de ses sujets.”, note cruellement Pierre Bliard. Cela dit, les bénéficiaires de la clémence de Decazes, sont, dans l’ensemble, les moins fermes des régicides puisqu’ils ont voté le sursis. Sans aller jusqu’à soutenir la bienséance de leurs offres de services, on peut comprendre les remerciements adressés à celui qu’ils croient être à l’origine de leur soulagement.
Cette gratitude a dû être fraîchement accueillie car il est demandé avant tout aux conventionnels d’être discrets. Quand le conventionnel Gouzy, exilé à tort, obtient de retourner dans sa commune, la population se propose de fêter son retour. Le Préfet du Tarn avertit les forces de police : “Vous saurez prévenir ce scandale !”
Va-t-on alors vers une amnistie générale ? Non, car le 29 décembre 1818, le Ministre Decazes quitte son ministère. La porte ne s’entrouvrira plus. Le Comte de Serre, nouveau Garde des Sceaux, interpellé sur un éventuel retour des bannis, répond catégoriquement le 17 mai 1819 : “Jamais.” Johannot, qui a l’autorisation de rentrer, répond : “Le retour, avec les Bourbons au pouvoir ? Jamais !” Cependant, l’administration reconnaît que la Loi d’Amnistie a parfois été appliquée par erreur. En 1819, Niou etNioche, en 1822, Montaut et Descamps, peuvent enfin rentrer.
Après le “Jamais !” du Ministre de Serre, le Régime se durcit. Un épisode instructif sur le climat de la Restauration, se déroule en 1819. En septembre, Grégoire a été élu à la Chambre. Un débat houleux s’engage en décembre au sujet de son admission. Les ténors de l’absolutisme refusent de le voir siéger parmi eux. Laîné en devient comique par un déploiement d’horreur affectée : “L’homme dont j’évite de prononcer le nom” s’est rendu indigne de sièger “par la loi immuable de la justice, de la raison et de l’honneur”. Son crime ? “Une loi promulguée, dont tout l’univers est saisi d’horreur, même les peuples les plus barbares”. Quand ? “Sept ans avant la fin du dernier siècle.” Par qui ? “Par la Convention, dont le passé est accablé, le présent épouvanté, et dont l’histoire a déjà préparé l’effroi de l’avenir !” Grégoire est exclus de la Chambre sans avoir pu siéger.
Jamais
03-FRIMAIRE