Organisation

Comités de Gouvernement

GENSONNE

La Convention, comme les assemblées qui l’ont précédée, se donne des comités et des commissions. Les comités sont élus une fois pour toutes au début de la session, sauf deux.
En effet, compte tenu de leur pouvoir, le Comité de Salut Public et le Comité de Sûreté Générale sont en principe renouvelés tous les mois, par élection. En pratique, cette élection mensuelle devient une formalité et s’apparente plutôt à une tacite reconduction. Ici apparaît le risque de dérive dictatoriale.
L’organe de la Révolution le plus universellement connu est le fameux Comité de Salut Public. Cette réputation est dûe à son action surhumaine, à la personnalité de ses principaux membres, au redressement inespéré de la République qu’il a su provoquer. Hors de France même, beaucoup d’historiens admiratifs ont écrit sur les “Twelve who ruled”, les “Douze qui dirigèrent”. Les contemporains, eux, n’ont pas reconnu les mérites de ces douze hommes et ont même trouvé leur rôle singulièrement envahissant.
Appelé à remplacer le pachydermique Comité de Défense Générale, le Comité de Salut Public est le pouvoir éxécutif de la Convention. Pendant un an, l’étonnante stabilité de son personnel dans un période de bouleversement général, contribue également à la notoriété de cette organe gouvernemental. Comme son nom l’indique, le Comité est institué pour le salut public, c’est-à-dire pour sortir d’une conjoncture préoccupante. En principe, il n’intervient pas sur le long terme.
L’équipe du premier comité, élue le 6 avril 1793, est relativement stable d’avril à juillet 1793, mais elle reste empêtrée dans ses contradictions. Elle n’ose ou ne peut pas trancher entre les exigences du salut public et la sauvegarde des libertés. Lors de l’arrestation des chefs Girondins, à l’image de Danton, le Comité tergiverse. Malgré ses pouvoirs déjà importants, il ne convainc pas la Convention montagnarde et il cède la place au Comité, dit de l’An II, qui gouvernera de juillet 1793 à juillet 1794.
La nouvelle équipe est plus décidée. Elle légitime le coup d’état du 2 juin et assume ses conséquences. Elle s’investit à fond dans sa tâche. Ses membres travaillent entre quatorze et seize heures par jour, mangent et dorment souvent sur place. Ensuite, les membres du Comité montrent une ténacité qui a fait défaut jusqu’ici. Dès le 23 août, Barère présente le Décret sur la Levée en Masse. Pour organiser cette mobilisation générale, le Comité embrasse de plus en plus de problèmes. Dès lors, ses pouvoirs s’accroissent sans cesse.
Le plus significatif est le pouvoir de nommer et de destituer à tous les postes, y compris aux autres Comités de la Convention. Les membres de tous les Comités sont élus directement par la Convention.En juin 1793, pour se conformer à la nouvelle direction montagnarde, de nouvelles élections ont eu lieu. Puis le 13 septembre 1793, le Comité de Salut Public propose ses candidats, confirmés systématiquement par la Convention. Cette disposition, passée souvent inaperçue, établit la suprématie des hommes du Comité de Salut Public sur tous les autres députés. Dans la forme, il propose. En réalité, il impose. Il centralise toutes les décisions politiques. Il suspend provisoirement les garanties démocratiques et invente le “Gouvernement Révolutionnaire”.
Son champ d’action déborde bientôt du cadre du salut public et il est amené à faire des propositions dans les domaines les plus divers. Barère présente un projet sur la langue française, Saint-Just propose une redistribution des terres, Robespierre obtient la reconnaissance de l’Etre Suprême, tout est accepté par la Convention alors que des comités spécialisés sont prévus pour faire des propositions dans ces domaines.
Dès le mois de mars 1794, le Comité jouit d’une dictature collective acceptée.Ses abus de pouvoirs sont patents. Hérault de Séchelles, membre du Comité, n’a pas été remplacé. Un député en fait la remarque. Bréard, ancien président et ancien membre du Comité, ne veut pas s’en mêler :“Le Comité de Salut Public a acquis assez de droits à notre confiance.” Tous les députés plient ou se taisent.
Lors de l’agitation qui suit l’arrestation de Danton, Barère, à la tribune, se permet une insolence cruelle :“Le mot de dictature a retenti à mon oreille pendant un quart d’heure. Il y aurait une dictature dans des Comités amovibles tous les mois, toutes les minutes ?” Dans la salle, chacun sait que Danton a été arrêté justement parce que le Comité craignait d’être remplacé.
Quand la situation militaire est rétablie, au lendemain de la mort de Robespierre, la Convention rejette tout ce qui a permis au Comité de s’approprier ces pouvoirs exorbitants, et même au-delà. A partir d’août 1794, le nouveau Comité de Salut Public gère chaotiquement les affaires courantes. Le “grand Comité de l’An II” n’est plus. On revient à l’élection classique.
Très vite, la nouvelle organisation affaiblit le Comité au point de le rendre méconnaissable : instabilité, renouvellements constants et obligatoires, diminution des prérogatives financières et politiques. C’est le temps des copains et des coquins. Soumis aux aléas et aux humeurs de l’assemblée, l’unité d’action disparaît, avec la charge de travail écrasante et, surtout, avec la responsabilité collective de ses membres. Beaucoup de réunions du Comité se transforment en banquets… La conséquence est une indécision croissante. Et Legendre lui-même, pourtant à l’origine de l’affaiblissement du pouvoir, s’écrie en août 1795 :“Il est inutile d’avoir des Comités de Gouvernement s’ils n’osent jamais rien prendre sur eux.”
Un autre effet pervers apparaît alors dans l’instabilité du pouvoir. Certains des hommes appelés au pouvoir pour de courtes périodes, ont la tentation d’en profiter au plus vite. Ils n’ont aucune action politique d’envergure et travaillent pour leur famille, leurs amis et eux-mêmes.
L’autre Comité de gouvernement, le Comité de Sûreté Générale, est moins puissant et pourtant plus ancien que le Comité de Salut Public. Le 25 novembre 1791, l’Assemblée Législative avait créé en plus de ses vingt et un Comités existants, le Comité de Surveillance. Composé de douze membres, renouvelé par moitié tous les trois mois, c’est l’ancêtre du Comité de Sûreté Générale.
Le comité prend en charge tout se qui relève de la sûreté intérieure de la nation, au détriment éventuel de la sûreté des individus. Par tous les moyens, il doit empêcher les complots et les trahisons. La police, l’administration de la justice, les prisons, les comités de surveillance, l’accueil des dénonciations sont de son ressort. Autant dire qu’il ne faut pas en attendre de grandes créations intellectuelles.
Au début de la Convention, la composition du Comité de Sûreté Générale, qui est à l’époque le plus puissant des comités, est l’enjeu de batailles continuelles. Le Comité est renouvellé sans cesse en fonction de la majorité du moment. L’instabilité qui en résulte nuit gravement à la continuité de l’action gouvernementale.
En avril 1793, il est en principe subordonné au Comité de Salut Public. Mais il reste sourcilleux quant au respect de ses prérogatives. Le Comité gagne en indépendance à partir du moment où l’équipe désignée est reconduite automatiquement, le 14 septembre 1793. Son personnel change peu jusqu’à la chute de Robespierre. Responsable de presque tous les décrets de proscription, le Comité de Sûreté Générale est largement responsable des excès de la Terreur. A partir de mars 1794, les sympathies anti-robespierristes de certains de ses membres, l’application des lois de Ventôse, la proclamation de l’Etre Suprême, l’accroissement de la Terreur par la Loi du 22 Prairial, les empiètements du Comité de Salut Public, tendent à séparer les deux comités de gouvernement. La division du gouvernement entre les deux Comités est une des premières causes de la chute de Robespierre.
Par la suite, le Comité de Sûreté Générale reste un des comités de gouvernement. Ses responsabilités sont accrues mais son organisation est également affaiblie. Il devient l’enjeu des luttes des partis qui veulent utiliser ses pouvoirs et le Comité de Sûreté Générale, divisé, est rapidement discrédité.
Après Thermidor, le Comité de Législation, qui n’est pas renouvellé mensuellement et qui est plus modéré, est associé aux deux autres comités de gouvernement. Les centristes de l’assemblée se méfient encore des deux terribles comités des Montagnards.
Le Comité de Législation est donc un cas à part. Il a assuré l’essentiel du travail législatif de la Convention (Code Civil, Code Pénal). Mais il revêt également un caractère politique quand il reçoit la charge de la surveillance des administrations et l’accueil des dénonciations sur les députés, charge dont il s’acquitte avec zèle quand il s’agit des députés Montagnards.

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