Restaurations, 1814 - 1815

Deuxième Restauration

ISNARD

La Chambre est maintenant composée d’hommes honorés et établis, gorgés d’honneurs et de richesses par Napoléon et les Bourbons. La Chambre bloque tout ce qui lui paraît aventureux et cherche la stabilité à tout prix.Les Bourbons, mieux placés auprès des Coalisés, représentent une perspective de paix rapide, même si elle paraît coûteuse : perte de nouveaux territoires, énorme indemnité de guerre, occupation du territoire et entretien de 150 000 soldats étrangers.
Une commission provisoire de cinq membres est nommée. Carnot, Quinette, Fouché, trois régicides, sont élus au côté des généraux Grenier et Caulaincourt. Pendant quinze jours, cette commission, manipulée et trahie par Fouché, fait le lit de Louis XVIII et se saborde. Les ex-Conventionnels sont à nouveau du mauvais côté du manche. Au deuxième retour de Louis XVIII, la tactique des Bourbons n’a pas changé. Le 3 juillet 1815, Louis XVIII, en échange de l’aide de Fouché, promet l’amnistie pour tous.
Mais des flots de rancoeur emportent les résolutions du Roi. Le climat de la Première Restauration est presque angelique à côté du déferlement de haine qui éclate alors. Deux fois revenus dans les fourgons de l’étranger, les Emigrés se déchaînent. La pression des Ultras, leurs appels à la vengeance, bousculent Louis XVIII, qui n’est sûrement pas fâché au fond de se voir forcé la main. Cette fois, la vengeance des Ultras va atteindre son but.
Malgré ses engagements, le roi, par l’Ordonnance du 24 juillet 1815, expulse 57 individus parmi lesquels on trouve des grands serviteurs de Napoléon, des conventionnels dont Defermon et six régicides : Carnot, Barère, Garnier de Saintes, Thibaudeau, Merlin de Douai, Garrau. Ce bannissement à vie donne lieu au bref et fameux dialogue entre Fouché, nouveau Ministre de sa Majesté Très Chrétienne, et Carnot, qui n’est plus qu’ancien Ministre de l’Usurpateur.
“ Où veux-tu que j’aille, traître ?”
“ Où tu voudras, imbécile !”
L’Ordonnance épure les administrations, les Chambres, la magistrature, l’Armée. Même le très conservateur Doulcet-Pontécoulant est chassé de la Chambre des Pairs. Il sera réintégré en 1819. Le royaliste Boissy d’Anglas bénéficie d’une exclusion courte : 24 jours. Des militaires comme le Maréchal Ney sont fusillés. Le Maréchal Brune est assassiné par la Terreur Blanche le 2 août 1815, non comme Maréchal d’Empire mais comme Jacobin. Là-dessus, Louis XVIII promet d’arrêter la répression. Pourtant, après avoir banni l’Empire en la personne de Napoléon, il va bannir la République en la personne des Régicides.
Dans des évènements aussi tumultueux, quand les gouvernements qui se proclament tous légitimes, changent chaque trimestre, le simple citoyen a du mal à s’y retrouver. Que dire alors de la classe politique ? La France est prise pendant cette période d’une nouvelle frénésie de dénonciations. Le vent de la réaction retourne les vestes par milliers. Mais les régicides ne peuvent cacher leur vote, véritable marque au fer rouge. Dans un premier temps, les propos du Roi sont rassurants, et même si Fouché, qui est décidément trop compromettant, est disgrâcié, le monde des régicides se rassérène peu à peu.
Mais, nouvelle fatalité, une Chambre exceptionnellement réactionnaire est élue. Aussitôt réunie le 7 octobre 1815, la Chambre Introuvable nomme une Commission pour étudier un projet d’amnistie émanant du député Labourdonnaye. La Chambre Introuvable, composée essentiellement d’anciens émigrés, veut déborder la prudente politique du roi. Les bruits les plus sinistres courent. Quelques régicides comme Siéyès, quittent déjà la France.
Les conclusions de la commission sont terrifiantes. Mille deux cents personnes prises dans la haute société napoléonnienne et le gratin révolutionnaire, seraient bannies à vie. Magistrats, préfets et surtout militaires couverts de gloire, seraient chassés de France. Louis XVIII refuse cette mesure d’ostracisme aveugle, qui susciterait de trop fortes oppositions. Plusieurs fois, il refuse le projet de la Chambre, le dernier refus date du 7 janvier 1816. Finalement, un accord est conclu sur le dos des régicides. Pour ne pas trahir officiellement son engagement, Louis XVIII ne peut les exiler en tant que tels. Au crime de régicide, il fait adjoindre celui d’avoir soutenu la constitution proposée par l’Usurpateur. Bel exercice d’hypocrisie appliquée ! Car, dans leur immense majorité, les régicides ont bien sûr signé l’Acte Additionnel.

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