Girondins Discrédités, Janvier - Mai 1793

Paris serait anéanti

SAINT-JUST

Le 16 mai, l’offensive des Girondins se poursuit. Ils portent à la présidence leur ami Isnard par 202 voix contre 130 à Thuriot, sous les vociférations scandalisées de la gauche. Un tumulte de quinze jours se prépare car Isnard, probablement vexé de ne pas avoir été élu au Comité de Salut Public et d’avoir vu son projet constitutionnel méprisé, est passé résolument du côté de la réaction. De plus, il a défendu les sections qui ont laissé crier “Vive le Roi, vive Louis XVII !”. L’irascibilité d’Isnard est peut-être l’étincelle psychologique qui explique l’embrasement final.

Le ton est vite donné. Le président Isnard refuse sèchement et à tort, d’examiner une légitime demande d’appel nominal, émanant du Montagnard Couthon, paralytique porté à la tribune dans les bras d’un autre Montagnard. A la suite du tumulte, Vergniaud, apaisant, obtient le renvoi de la question au Comité de Législation. Or, le Comité de Législation donne raison à la thèse montagnarde. Loin de reconnaître le tort du président, Guadet demande alors que les pouvoirs du Président de la Convention soient accrus. Puis après un échange d’insultes entre Marat et Lanthenas, Guadet présente une proposition détaillée, mûrie et élaborée chez Valazé : cassation de la Commune de Paris et formation de l’assemblée des suppléants à Bourges. C’est une folle provocation.

Ce 18 mai, le tumulte est à son comble.Barère, en conciliateur, obtient en définitive la création d’une Commission de douze membres, qui doit enquêter sur la Commune de Paris. Trois jours plus tard, la Convention élit douze députés de Droite. Trois d’entre eux seulement, bien que Girondins, sont régicides et ont l’estime de la Montagne. Cette Commission qui va mettre le feu aux poudres, ne compte pas moins de quatre Royalistes. Six de ses membres seront guillotinés. Les mesures prises par cette Commission des Douze sont aussi impopulaires qu’imprudentes. La Commission des Douze ordonne l’arrestation de personnalités en vue, comme Hébert, Substitut du Procureur de la Commune de Paris et se livre à divers abus de pouvoir. Dans Paris, la colère gronde.

A la Convention, les débats dégénèrent en pugilat. Isnard éconduit des pétitionnaires en lançant une terrible menace contre Paris : “Paris serait anéanti !”Ses propos, qui rappellent ceux du Manifeste de Brunswick, vont focaliser l’attention des sections parisiennes pendant plusieurs mois. Accusé de tyrannie, il doit quitter le fauteuil. Les Montagnards obtiennent un instant la dissolution de la Commission des Douze, le 27 mai à minuit, sous la présidence de Boyer-Fonfrède. Mais le lendemain 28 mai, Lanjuinais et Guadet refusent l’apaisement probable et provoquent un appel nominal. Les Montagnards et leurs alliés réunissent 238 NON, les Girondins et leurs alliés, 279 OUI. La Commission des Douze est maintenue. Ce vote, comme l’accusation de Marat, affaiblit les Girondins, victorieux à l’assemblée… en apparence. Beaucoup de députés de la Plaine et de la Montagne sont excédés par la morgue des Girondins, prêts à les abandonner à leur sort, mais pas encore à admettre la manière forte. Cependant les Girondins perdent la bataille dans la rue, où les sections de l’ouest sont intimidées ou controlées. Le 29 mai, un Comité insurrectionnel réunit 36 sections parisiennes sur 48.

Dans les derniers jours de mai, les pires nouvelles arrivent des armées et l’orage qui s’annonce éloigne de l’assemblée des députés de Droite. Quant aux chefs Montagnards, ils se rallient tant bien que mal à l’idée d’insurrection. En fait, ils voudraient éviter la violence et souhaitent encore obtenir un départ en douceur des principaux Girondins. Ils parviennent à réorienter le mouvement populaire vers une simple démonstration de force afin de ménager les formes.

Le 31 mai, une immense manifestation est organisée par la Commune de Paris. Quatre vingt mille ouvriers sectionnaires parisiens, armés, payés, approchent de la Salle. Une partie d’entre eux envahit la Convention. Menaçants, les pétitionnaires accusent Guadet, Barbaroux, Brissot, Vergniaud, Gensonné, Buzot, et surtout Isnard, qui a menacé Paris d’anéantissement. La dissolution de la Commission des Douze est décidée. La plupart des chefs Girondins sont absents.

Le 1er juin, les sectionnaires restent sous les armes. A la Convention, Barère, rapporteur du Comité de Salut Public décrit la journée de la veille par un bel euphémisme : “Cette journée a inspiré un instant des inquiétudes.” La Commune envoie une nouvelle délégation et renouvelle la demande d’arrestation de chefs Girondins.

Le 2 juin 1793, une nouvelle manifestation de la Commune entoure la Convention de canons et de cent mille hommes. Barère, au nom du Comité de Salut Public, demande aux Girondins de démissionner. Beaucoup, comme Rabaut Saint-Etienne, s’y résolvent mais le Royaliste Lanjuinais et le Girondin Barbaroux refusent cette solution douce et rendent impossible le règlement du problème par la voie parlementaire. La Commune menace alors de tirer sur la Convention et les députés. Les canons des sections parisiennes arrachent l’arrestation de vingt neuf députés Girondins.
L’humiliation cruelle de toute l’assemblée est le seul résultat de l’obstination des Girondins. Le pouvoir politique est affaibli. Les députés viennent de vivre un traumatisme violent. Les journées du 31 mai et du 2 juin frappent les esprits. Un député Girondin, Casenave, en tombe malade, et d’autres, las, fatigués ou écoeurés, quittent l’assemblée.

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