L'Exil et la Mort, 1815 - 1830
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Où aller ?

GUADET

Rejetés de France, vieux, sans espoir de revoir leur patrie, les régicides n’ont aucun asile accueillant. Les bannis ne peuvent aller où ils veulent. Seules, les républiques, en fait, les Etats-Unis, et les Monarchies de Russie, de Prusse et d’Autriche les acceptent. Ailleurs, notamment pour la Suisse et la ville de Bruxelles, il leur faut l’autorisation du Gouvernement Français. Les exilés y vont pourtant nombreux à cause de la proximité et de la communauté de langue. Ils y survivent sous de faux noms, discrètement, et se font oublier par crainte des assassinats et des persécutions.
La plupart vont dans les Pays-Bas autrichiens, autrement dit en Belgique, à Liège, Mons et Bruxelles, ou en Suisse, à Genève, Constance, Nyons ou Lausanne. Carnot va à Magdebourg. Escudier, repoussé d’Italie, s’installe en Tunisie. Lakanal, Quinette, Taillefer, Hérard, Hentz, partent aux Etats-Unis, le Nouveau Monde. Bernard de Saintes, ancien président de la Convention, entreprend aussi la grande traversée mais son bateau coule. Il reste pendant six jours sur une planche au milieu de l’Atlantique pour finalement passer les deux dernières années de sa vie, seul, à Madère. L’exil de Pénières, qui avait défendu le drapeau tricolore, est à lui seul une pénitence. Sorti contusionné d’un accident au cours duquel il est enseveli sous une masse de foin tombée d’une grange, il s’embarque pour les Etats-Unis et fait naufrage. Pendant sept jours, il dérive sur une chaloupe. Finalement, il accoste et est employé en Floride par le gouvernement américain. Il y meurt de fièvre jaune.
Son compagnon de banc à la Convention, Lecointe-Puyraveau, miraculé de la guillotine, traverse des aventures aussi picaresques. Parti de Toulon pour la Tunisie, il est pris par un navire anglais, qui fait naufrage. Lecointe-Puyraveau s’accroche à une poutre, passe pour mort et échappe aux Anglais.De retour à Marseille, il échappe à un assassinat préparé par les Royalistes, puis traqué dans les Alpes, il échappe aux loups.Repris, enfermé au Chateau d’If, il n’échappe pas à la Cour d’Assises où il est condamné à la déportation.Il en réchappe encore. L’avocat du suffrage universel meurt en Belgique après onze ans d’exil.
Car les régicides sont persécutés. La Cour d’Assises est requise à chaque manquement constaté à la loi d’exil. Quelle peine, à part la mort, peut être pire pour ces damnés de la Monarchie ? Monnot passe en Cour d’assises par contumace pour être revenu clandestinement. Ribereau qui refuse de partir à juste titre puisqu’il n’a pas signé l’Acte Additionnel, est arrêté le 8février 1817 et expulsé manu militari. Bousquet, dans le même cas, est arrêté en juillet 1817. Traduit en Cour d’Assises, il est finalement acquitté en janvier 1818. Ferry, non signataire également, refuse de quitter son pays malgré toutes sortes de menaces et de tracasseries. Arrêté, longuement interrogé, il est expulsé. Barthélémy est parti en janvier 1816, puis s’aperçoit que la Loi ne lui est pas applicable parce qu’il n’a pas signé l’Acte Aditionnel. Il revient et est aussitôt arrêté en janvier 1817. Le ministre Decazes doit intervenir pour sa libération. En exil même, les régicides ne sont pas en paix. Merlin de Douai et Barère sont poursuivis par l’Ambassadeur de Louis XVIII aux Pays-Bas. Thomas-Laprise doit quitter l’Angleterre où il s’est réfugié. A Bruxelles, à la demande de Louis XVIII, la police autrichienne se présente à plusieurs reprises chez le trop remuant Garrau pour l’arrêter, sans succès. Garnier de Saintes a moins de chance. Collaborateur d’un journal républicain, il est obligé de quitter la Belgique. Comme il le dit lui-même, on lui impose “l’exil de l’exil”. Peu après, réfugié aux Etats-Unis, il se noie avec son fils dans l’Ohio.
En France, l’exil des régicides est une joie pour les nouveaux maîtres à penser. Mais, les Bourbons savent que ces bannis qui traversent l’Europe dégradent leur image internationale. D’abord, il s’agit souvent de petits vieux sans le sou, inoffensifs, victimes d’une cruauté inutile. Ensuite, Louis XVIII aurait voulu sûrement éviter le scandale de l’ostracisme de Cambacérès, devenu un personnage colossal par sa fortune et ses fonctions de Régent de l’Empire. Mais les Bourbons ne peuvent séparer le bon grain de l’ivraie.

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