Mobilisation Républicaine, Juillet - Octobre 1795

Le maintien des Propriétés

DESMOUNLINS

Etablir une nouvelle Constitution, telle a toujours été la mission première de la Convention. Celle qui a été élaborée en juin 1793 et ratifiée en août suivant par le peuple français, est inacceptable pour les Royalistes et les conservateurs. Trop démocratique, trop sociale, elle est de plus l’oeuvre de ceux qui sont quotidiennement accusés de terrorisme. D’un autre côté, le rapport des forces actuel ne permet pas un retour immédiat à la Monarchie. Les royalistes et les républicains modérés vont donc d’abord s’affronter sur le contenu de cette constitution et aboutir à un compromis bancal. A cette occasion, chose remarquable, les Montagnards réduits au silence laissent aux derniers Girondins progressistes le soin de défendre le grand principe du suffrage universel. En vain.
Le débat sur la nouvelle constitution débute le 23 juin. Pour la Commission des Onze, Boissy d’Anglas présente le projet constitutionnel, fortement inspiré par les Royalistes, mais qui, pour plaire aux républicains, se réfère habilement à la Constitution des Etats-Unis d’Amérique. Dans ce projet, six points retiennent l’attention. 1) La Constitution Montagnarde est mise à l’écart. Le projet Girondin de Condorcet également. 2) La Constitution comprend une Déclaration des Devoirs, contrepoids à la Déclaration des Droits, jugée démagogique. 3) La République s’orientera vers la paix immédiate, sans annexion. 4) Le citoyen doit payer une solide contribution pour voter. 5) Le projet prévoit deux chambres de députés. 6) Un Président de la République aura le pouvoir éxécutif.
Ce projet permet de comprendre comment les Royalistes comptent restaurer la monarchie. Ils excluent le suffrage universel et s’appuient sur les puissances étrangères, heureuses de sauver leurs territoires occupés par les armées françaises. Les Royalistes prévoient de diviser le pouvoir législatif au profit d’un éxécutif puissant.Le futur président pourrait être un grand républicain, passé secrètement aux royalistes.Le très populaire général Pichegru, par exemple, pourrait jouer ce rôle. Les Royalistes voient en lui un nouveau Monk, l’homme qui en 1660 en Angleterre, mit sur le trône le roi Charles II, onze ans après l’éxécution de son père Charles Ier, par le Long Parliament de Cromwell.
Seulement, ce projet comprend au moins deux points tout à fait inacceptables pour les républicains : la paix sans annexion et le Président de la République. Le système du président, qui à l’époque est encore trop proche d’un Régent, est rapidement abandonné, au profit d’une direction collégiale, un Directoire de cinq membres.
En revanche, le débat sur les annexions se poursuit. Pour les républicains, l’annexion est le résultat de six ans de Révolution. C’est l’installation définitive de la République au milieu des monarchies. C’est aussi un enjeu financier majeur.Le trésor est en perdition et l’exploitation des pays conquis permet de survivre. Enfin, les armées de la République occupent toute la rive gauche du Rhin. Il est impossible d’évacuer ces territoires sans combattre, fût-ce pour obtenir la paix. Pour les Royalistes, au contraire, l’annexion se faisant au dépens des puissances, la guerre risque de se perpétuer, et la perspective de Restauration s’éloigner d’autant.
Pour le reste, la Constitution est imprégnée du souci de préserver la propriété. Article 8 : “C’est sur le maintien des propriétés que repose tout l’ordre social.” Le citoyen doit avoir un intérêt politique et matériel au maintien de l’ordre. Les idées d’égalité et de solidarité disparaissent officiellement de la mentalité politique dominante. Les républicains modérés et la Droite, toutes sensibilités confondues, sont d’accord sur ces renoncements.

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