Les Journées de Thermidor, Fin Juillet 1794

Je vous laisse ma Mémoire

10-MESSIDOR

Le soir aux Jacobins, où Billaud-Varenne et Collot d’Herbois sont accourus, Robespierre, mortifié de n’avoir pas pu entraîner la Convention comme au 12 juin, répète son discours. Il se fait plaindre au lieu d’agir :“Ce que vous venez d’entendre est mon testament de mort … Je vous laisse ma mémoire et vous la défendrez.” Comédie ou résignation sincère ? En tout cas, Robespierre n’a rien résolu. Au lieu d’indiquer la conduite à tenir, il laisse les Jacobins se défouler dangereusement.
Dumas propose une insurrection pour purifier la Convention, insurrection que Robespierre désapprouve pourtant. Couthon excite les Jacobins. Entourant, menaçant et insultant Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, les Jacobins crient : “Les conspirateurs, à la guillotine !” Robespierre creuse là sa propre tombe. Quatre points précis seront utilisés par ses adversaires. 1) Dumas, Président du Tribunal Révolutionnaire et Boulanger, Général de la Garde Nationale, empêchent Billaud-Varenne et Collot d’Herbois, membres du Comité de Salut Public, de parler. S’ils parlent, tout peut encore changer. Collot d’Herbois est de plus le président en exercice de la Convention. 2) Dumas formule des menaces contre la Convention, des menaces que sa fonction rend terrifiantes. 3) Ce soir-là, beaucoup de fonctionnaires publics, recrutés par les Comités et par Robespierre, assistent à la séance. Le déroulement de la séance accrédite l’idée d’une troupe de mercenaires au service de Robespierre. 4) Billaud-Varenne et Collot d’Herbois sont chassés de la Société des Jacobins sans ménagement, et ils entendent les pires prédictions. Au total, cette soirée aux Jacobins est le prétexte idéal pour les conjurés, le motif politique vraisemblable qui leur manquait encore.
Pendant ce temps, le désaccord entre Robespierre d’un côté, Billaud-Varenne et Collot d’Herbois de l’autre, apparu pendant la séance, est exploité à fond pendant la nuit par les conjurés. Fouché opère un forcing psychologique sur son ami Collot d’Herbois, qui entraîne à son tour Billaud-Varenne. Encore troublés par ce qu’ils viennent de vivre aux Jacobins, ils sont désormais convaincus que Robespierre veut une véritable épuration physique. Ils croient, eux aussi, qu’il leur faut abattre Robespierre pour sauver leur peau.
Dans les locaux du Comité de Salut Public, Lecointre, Fréron et Cambon se succèdent dans la nuit pour demander l’arrestation de quatre puissants amis de Robespierre : Fleuriot-Lescot et Payan, dirigeants de la Commune de Paris, Dumas, Président du Tribunal Révolutionnaire, et Hanriot, Commandant de la Garde Nationale. Sur l’opportunité de ces arrestations, le Comité de Salut Public est divisé et indécis. Barère est réticent. Saint-Just, qui se déclare favorable à la réconciliation, également. Pour Saint-Just, le discours de Robespierre est imprécis et insuffisant.D’ailleurs, il se propose d’intervenir à la Convention pour en corriger les effets néfastes. Mais, par un fatal sursaut d’orgueil, Saint-Just ne veut rien révéler de son discours avant le lendemain matin. Collot d’Herbois, déjà hors de lui, n’a pas besoin de cela pour être de mauvaise humeur.
Malgré Barère, auquel la séance de la Convention a rendu sa lucidité, Billaud-Varenne, qui a perdu la sienne depuis la séance des Jacobins, prend la décision de demander les arrestations seul, le lendemain, à la Convention. Toutefois, à la demande de Barère, il convient de tenter d’affaiblir Robespierre sans bouleverser la composition du Comité. Informé par Collot d’herbois, Fouché livre l’information à Tallien et les conjurés décident de prendre ce train-là en marche. De son côté, Cambon rentre chez lui et, calmement, écrit à son père : “Demain, de Robespierre ou de moi, l’un des deux sera mort.”

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