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Votes

GENSONNE

Deux types de scrutin sont utilisés à la Convention: le vote par “assis et levé”, le plus fréquent, et l’appel nominal.
Le président, sur tel sujet, consulte l’assemblée. A la question posée, les députés se lèvent pour signifier leur accord. En cas de doute, les opposants se lèvent ensuite pour signifier leur désaccord. Ce système, toujours utilisé aujourd’hui, est rapide et pratique, mais aussi imprécis et sujet à contestation. Techniquement, l’environnement matériel favorise l’incertitude. Pour chaque vote indécis, plusieurs épreuves, ou votes, sont nécessaires.Les résultats sont interprêtés différemment par les députés, selon leur orientation. Certaines décisions sont emportées à l’usure, au milieu de la nuit, après le départ des couche-tôt. La période est propice aux noctambules. Mais le lendemain, les décisions de la veille sont remises en cause par les lève-tôt.
Par ailleurs, quand le vote oppose de part et d’autres plusieurs centaines de députés, le système est inoffensif. Camouflé dans la masse, chaque député peut prétendre ultérieurement avoir voté le contraire de ce qu’il a réellement voté. Or il arrive que plusieurs députés, ou même un seul, se lèvent pour braver la presqu’unanimité de la Convention, et dans ce cas, l’isolement, si visible, prouve une réelle fermeté. Ainsi, défavorable à l’annexion de la Savoie, Pénières se lève seul face à sept cents députés. Mieux, Goujon, se lève seul contre le rappel de députés girondins et royalistes proscrits.Quelques mois plus tard, ces mêmes députés paient sa témérité et l’envoient à la mort.
Le vote par appel nominal pallie les inconvénients du vote par assis et levé.Chaque membre consulté donne son opinion à haute voix. Le plus souvent, il n’y a pas de trace écrite.Mais chaque député s’étant exprimé individuellement, toute l’assemblée est témoin des votes de chacun.
A Paris, la Commune a imposé des élections en public et à haute voix. A la Convention, dès le premier jour, Tallien, ancien membre de la Commune, met les points sur les « i »: »Faisons nos nominations à haute voix et par appel nominal. C’est le seul scrutin des hommes libres. » Plus tard, Marat obtient le vote à haute voix lors du Procès du Roi.
Dans certaines circonstances, l’appel nominal, plus compromettant, devient une épreuve. Par là, les dirigeants du moment adressent une menace aux députés en désaccord supposé. Une variante de l’appel nominal compromet encore plus les députés. L’appel nominal écrit les compromet même jusqu’à leur dernier souffle dans le cas du jugement de Louis XVI. Mais l’enregistrement écrit de l’appel nominal est très long. Aussi, hélas pour l’Histoire, la Convention y a rarement recours.
En fait, dans l’esprit des députés, la demande d’appel nominal, n’est pas innocente. Très vite, l’appel nominal a changé de nature et s’est mué en épée de Damoclès. Face à l’incertitude du lendemain, l’inscription de son nom sur une liste n’est jamais admise de gaîté de coeur.
Dès le 10 mars 1793, les Montagnards ont réclamé l’appel nominal pour stigmatiser la désertion des Girondins. Le 1er juin, Devars, un Royaliste, réussit à éviter l’appel nominal réclamé par Billaud-Varenne. Pour Devars, on veut dresser une liste de proscription.L’appel nominal obligerait les députés à se dévoiler, ou bien, à se solidariser à leur corps défendant des mesures prises. Le 24 juin, le même Billaud-Varenne demande l’appel nominal pour l’approbation de la Constitution de l’An I. L’objectif est clairement d’identifier les partisans des Girondins, donc complices des « traîtres ». Robespierre s’oppose à cette mesure susceptible de diviser l’assemblée et la République. Le 3 octobre, encore Billaud-Varenne sur le même thème.Il demande l’appel nominal sur le décret qui traduit devant le Tribunal Révolutionnaire 41 députés girondins et met 73 autres députés en état d’arrestation. Il ne l’obtient pas davantage, car Robespierre, une fois de plus, s’y oppose au nom de la conciliation.
Lors de l’insurrection du 1er Prairial, il reste une centaine de députés dans la salle au milieu d’une foule d’émeutiers. Les Montagnards ou Crêtois, qui « tiennent » l’assemblée pendant quelques heures, veulent organiser les débats dans le tumulte. Ils demandent l’appel nominal pour faire connaître les déserteurs de la cause du peuple. Ils n’ont pas le temps d’y procéder. Les insurgés vaincus et les Crêtois arrêtés, la Convention, par la bouche de Louvet, prend prétexte de cette demande, assimilée à un crime, pour les condamner: « En attendant qu’ils pussent abattre vos têtes, ils voulaient les compter ! »
A l’origine, l’appel nominal est de droit à la demande de 50 députés. C’est une pratique parlementaire anodine. Par la suite, il devient une mécanique de répression. L’appel nominal permet l’identification des opposants décidés … et une éventuelle dénonciation. Ainsi, aucun député ne s’oppose au décret inconcevable du 3 octobre 1793. Le 2 juin précédent, des députés ont été arrêtés. Le 3 octobre suivant, on arrête les députés qui ont protesté par écrit contre l’arrestation. Qui protesterait dans ces conditions contre cette dernière arrestation ? Les décrets les plus extrêmistes sont votés à l’unanimité.Qui ne dit mot consent et parler, c’est déjà contester. Les formes règlementaires de la vie parlementaire sont dévoyées.
En août 1795, la Constitution de l’An III prévoit la suppression des appels nominaux et des votes à haute voix et dès septembre, la Convention revient même au scrutin secret pour choisir les membres des Comités. La mentatilé évolue vite.

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