Les Journées de Thermidor, Fin Juillet 1794

Je parlerai à la France avant d’être Déshonoré

DESMOUNLINS

Car un deuxième accroc de taille s’annonce : Cambon monte à la tribune. Joseph Cambon est très estimé. Indépendant, respecté, d’une morale irréprochable, républicain dès 1790, il a été le dernier président de la Législative. A la Convention, il a lutté contre la Commune de Paris et a fait partie du premier Comité de Salut Public. Depuis octobre 1792, il domine le Comité des Finances grâce à sa capacité de travail, sa compétence et son intégrité, qu’il a su d’ailleurs communiquer à toute l’administration des finances. Il est l’“inventeur” de l’emprunt forcé sur les riches, de l’impôt sur la fortune, de l’impôt progressif sur le revenu, du quotient familial, de la lutte contre l’inflation, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Bref, il est une sommité et un visionnaire dans le domaine économique et financier. Malgré son dévouement exemplaire, il vient d’être sévèrement mis en cause par Robespierre, probablement jaloux de ce domaine réservé.
Cambon, encore vibrant d’indignation, commence par ces mots : “Je parlerai à la France avant d’être déshonoré”. Il se défend d’abord de manière très détaillée sur le décret visé par Robespierre. Robespierre dépassé ne peut répondre. Puis, Cambon contre-attaque très violemment : “Un seul homme paralyse la volonté de la Convention tout entière : cet homme, c’est Robespierre.” Son discours a tellement de poids que Robespierre reformule son propos de manière plus acceptable, plus diplomatique, et parvient en apparence à calmer la colère légitime de Cambon. C’est la première fois que Robespierre recule depuis le 26 décembre face à Billaud-Varenne.Le retentissement est considérable. C’est l’ouverture des bouches, la libération de toutes les pulsions comprimées, le point culminant de la journée.Plusieurs députés viennent au bureau s’inscrire sur la liste des orateurs.

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