Mobilisation Républicaine, Juillet - Octobre 1795

Vous serez les victimes des Compagnies de Jésus

ROGER-DUCOS

Pendant ce temps, un autre débat occupe l’assemblée. Excédés de la poursuite des massacres, conscients d’un étau menaçant, les premiers députés se font entendre pour réorienter l’action de la Convention. Même Doulcet-Pontécoulant, Girondin réactionnaire, s’adresse à tous les républicains : “Si vous n’y prenez pas garde, vous serez les victimes des Compagnies de Jésus ! … Tous les Français combattent pour leur vie … Républicains anglomanes de 89, Constitutionnels de 91, le même sort vous est réservé.”
Le 22, le Royaliste Marec demande que la Convention recherche et punisse les assassins de Septembre. Or près de trois ans se sont écoulés depuis les massacres de 1792. La ficelle est grosse et les Thermidoriens se mobilisent.Legendre : “Il faut punir les égorgeurs du temps passé mais ne pas oublier ceux d’aujourd’hui !” Tallien ramène l’attention sur les massacres des bandes royalistes : “Il faut mettre un terme au règne des assassins”. Il obtient le rappel des représentants en mission, en particulier les complices des massacreurs. Le 24, Marie-Joseph Chénier, un ancien Montagnard devenu centriste, dénonce de nouveaux massacres et laisse entendre que la Convention cache des complices des assassins.
A la longue, la Convention prend conscience de l’emprise des Royalistes. Insensiblement, depuis la chute de Robespierre, depuis la réorganisation des autorités de Paris et la fermeture du Club des jacobins, les sections de l’Ouest de Paris sont passées aux mains de la réaction royaliste. Les unes après les autres, elles sont venues à la Convention pour dénoncer les buveurs de sang et saluer le nouveau cap politique.
L’insurrection du 1er Prairial a donné aux Royalistes la possibilité de contrôler presque toutes les sections, même populaires, de la capitale. Dans les quartiers ouvriers, les sans-culottes sont dépolitisés et désabusés, hébétés par une répression féroce, et absorbés par la quête du pain quotidien. De plus, la Garde nationale, réorganisée, est réservée aux bourgeois. Avec les sections de Paris, les royalistes disposent d’une arme décisive. Les sections ont rendu possibles toutes les grandes journées de la Révolution. Elles peuvent aussi accomplir la Contre-Révolution. Les royalistes vont d’abord les utiliser à la manière des Montagnards, pacifiquement. Pendant trois mois, de nombreuses pétitions réactionnaires des sections de Paris parviennent à la Convention. Ces pétitions sont reprises par les Royalistes à la tribune. Ils ont un argument de poids : ils parlent au nom du peuple !
Dans le même temps, tout montre que les royalistes de l’extérieur ont entrepris d’en finir. De Vérone où il est réfugié, le prétendant Louis XVIII piaffe d’impatience. Il a donné son accord à des opérations militaires de subversion et lance deux proclamations incendiaires : la première au Pape pour l’assurer du retour prochain du Royaume dans le giron de l’Eglise Romaine ; la deuxième aux Français.C’est un brulôt absolutiste. Le programme de Louis XVIII, convaincu de règner dans les trois prochains mois, est de rétablir purement et simplement l’Ancien Régime avec les trois ordres, la Noblesse, le Clergé et le Tiers-Etat, tout cela sous la loi suprême de Dieu et du bon plaisir du Roi.Cette Proclamation sauve probablement la République. L’instruction de Louis XVIII à ses agents, au sujet des Conventionnels est limpide : “La mission des agents de Paris est de promettre le pardon à ceux qui abjureraient leurs erreurs, à l’exception de ceux qui avaient sur leurs mains le sang de Louis XVI, Marie-Antoinette et Madame Elisabeth (la soeur de Louis XVI).”
Qu’on juge de l’effet produit sur les Conventionnels ! Contrairement aux assurances données jusqu’ici par les agents royalistes, il n’y aura pas de pardon pour les Régicides. De plus, les Conventionnels néo-royalistes tentés par le retour à une monarchie constitutionnelle, sont en porte-à-faux. Le programme de Louis XVIII n’est pas le leur. L’intolérance de Louis XVIII rend la Restauration impossible par des moyens pacifiques.
Le 26 juin, Charette, tyranneau et général des Vendéens, nommé Lieutenant Général des armées du Roi par louis XVIII, trahit sa parole et reprend les armes. Il accuse, entre autres crimes, “une secte impie et barbare” d’avoir empoisonné Louis XVII. Le 27, quatre mille émigrés débarquent à Quiberon, d’une flotte anglaise, en uniforme anglais, et appellent tout l’Ouest de la France à l’insurrection. En quelques jours, vingt mille chouans se joignent à eux. La Convention vit une nouvelle période de transes. Le 1er juillet, deux membres du Comité de Salut Public sont envoyés en mission à Quiberon avec tous pouvoirs. Les Royalistes comptent beaucoup sur les deux députés missionnés : Tallien, vendu à leur cause, et Blad, un des plus réactionnaires parmi les 73 Girondins emprisonnés.

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