Elections
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Chiffres

GENSONNE

Officiellement, la Convention compte 749 députés. En réalité, ce chiffre ne sera jamais atteint. Les députés des colonies arrivent à Paris avec des retards de plusieurs mois et à ce moment-là, les turbulences politiques ont déjà perturbé l’assemblée.
Premier constat frappant à l’étude de la session conventionnelle, la carrière de parlementaire n’est pas sûre. Quarante pour cent de ces députés titulaires d’origine ne siègeront pas pendant toute la session, pour des raisons indépendantes de leur volonté. Ce chiffre est incroyablement élevé. Le chiffre équivalent d’une session parlementaire actuelle se situe autour de 4% pour une session de 5 ans. Les députés qui ont siègé sans interruption pendant les trois ans sont exactement 450, soit 60% des élus d’origine. Au total, 902 députés ont été officiellement considérés comme représentants du peuple à la Convention. Parmi eux, deux au moins n’ont pas eu le temps de siéger en tant que tels: Sabathier Saint-André, de la Guadeloupe, et Dugommier, de la Martinique, tous deux tués à l’ennemi.
Autre constat surprenant: 18 élus refusent le mandat qui leur est confié. Certains d’entre eux, qui n’étaient pas candidats, élus par leur seule notoriété, en leur absence, se désistent avant même la réunion de la Convention. D’autres élus démissionnent sans être même venir à Paris. Seul, un sentiment de peur prémonitoire, de prudence à retardement, peut expliquer ces défaillances. Des personnages timides comme le bien nommé Polycarpe Pottofeux, mais aussi des personnalités de premier plan comme François de Neufchateau, ancien président de la Législative, Mouraille, maire de Marseille, qui invoque son âge et sa surdité, et Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur de Paul et Virginie, refusent le redoutable honneur d’être représentant du peuple français en 1792.
En fait, pour les contemporains, le nombre des députés officiels est indéterminé. Le nombre réel des députés autorisés à siéger a continuellement varié. La Convention n’a jamais su avec précision qui était député et qui ne l’était pas, ignorance inconcevable de nos jours. Certes, la confusion et la précipitation expliquent largement ce flou relatif mais aussi le fait que la Convention ne cultive pas le formalisme. Les procès-verbaux des élections, rédigés précipitamment, sans souci excessif de la précision, avec une orthographe approximative des patronymes, apportent leur lot d’erreurs. Par la suite, les va-et-vient des députés proscrits, des proscrits rappelés, des suppléants, des démissionnaires et des députés des territoires annexés, ne facilitent pas le suivi du personnel parlementaire. Pendant la session, les enregistrements des appels nominaux fourmillent d’erreurs. Les historiens découvriront bien plus tard que le député Malhes était en réalité deux députés: l’oncle et le neveu, aussi pusillanimes et inexistants l’un que l’autre, qui se sont succédés. Résultat, on fera même quelquefois voter des absents.
La tâche des secrétaires est rendue difficile par la quantité considérable d’homonymes, parfois célèbres. Les deux Prieur, l’un dit de la Côte d’Or ou Duvernois, l’autre de la Marne, tous deux montagnards, seront membres du même Comité de Salut Public ! Deux Merlin, l’un montagnard, futur thermidorien, de Thionville, l’autre, centriste, de Douai, se succèdent à la présidence. Deux Lacoste et deux Lacroix, tous montagnards, sont des députés importants. Un Lesage est royaliste, l’autre est montagnard.Un Ducos est girondin, l’autre est centriste. La Convention ne compte pas moins de trois Fabre, trois Faure, quatre Dubois, quatre Garnier et quatre Bernard !
Même sans homonymes, les consonances voisines prêtent à confusion.Le rédacteur du Moniteur qui retranscrit les séances, reçoit des plaintes des députés. Ainsi, peu après le 9 Thermidor, le député Féraud se plaint de ce que ses propos aient été mis dans la bouche de Fréron. Féraud tient à partager la gloire de la chute de Robespierre. Les confusions sont parfois profitables. A l’été 1793, Harmand se réjouit de quitter un Paris houleux. Il s’attribue une mission destinée en réalité à Ehrmann. Hélas, le subterfuge est découvert trois jours après. Au printemps 1795, Villar, un modéré sans histoire, est dénoncé. Dans la hâte, il a été confondu avec le Montagnard Millar, qui peut se réjouir, discrètement, d’éviter ainsi l’arrestation. Les confusions peuvent devenir dangereuses. Par erreur, Louvet de la Somme est ainsi arrêté à la place du Girondin Louvet de Couvray. Surveillé par deux gendarmes, piteusement, le Louvet-victime parvient à adresser à la Convention une humble requête : il demande modestement à connaître le motif de l’arrestation, dont il ne met pas en doute, par ailleurs, le bien-fondé. Sa lettre fait bien rire l’assemblée, qui le libère aussitôt. Une fois même, la confusion est mortelle. En mai 1795, quelques émeutiers confondent Féraud, déjà cité, et Fréron, chef des Muscadins et bête noire des faubourgs. Féraud est lynché. Sa tête tranchée est fichée au bout d’une pique et promenée dans l’Assemblée. Cette confusion-là ne fait plus rire du tout.

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