Restaurations, 1814 - 1815

Retour du frère de Louis XVI

GREGOIRE

Dans les premiers mois de 1814, la France est envahie. Les Conventionnels, qui entrevoient aisément le traitement que la Restauration leur réserve, veulent à tout prix éviter le retour des Bourbons. On les voit, déjà âgés, se mobiliser pour une lutte pathétique. Pérard se porte volontaire. Mallarmé, Merlin de Thionville et Drouet levent des corps francs contre les envahisseurs. Levasseur, 67 ans, et Mallarmé, 59 ans, sont arrêtés par les Prussiens et emmenés prisonniers en Allemagne. Bohan se laisse mourir, Pérès-Lagesse perd la raison. Dubois-Crancé, l’homme du Serment du Jeu de Paume, le promoteur du service militaire national, meurt de désespoir.
Rien n’y fait. La Première Restauration, habilement préparée par Talleyrand, se précise. Tout le personnel politique abandonne l’Empereur, son fils et l’Empire. Le 1er avril 1814, le fidèle Sénat qui a tout accepté, tout voulu, tout avalisé, tout avalé, tout exaucé, tout proposé de ce que lui ordonnait Napoléon, établit un gouvernement provisoire. Le lendemain, ce même Sénat propose la simple déchéance de l’Empereur.
Pour faciliter son retour, Louis XVIII prend contact avec l’Archichancelier d’Empire. Cambacérès, qui a trahi son bienfaiteur Napoléon, est aussi le plus puissant, donc le plus concerné des régicides. Une réunion a lieu chez lui avec les principaux régicides au service de l’Empire pour trouver un compromis. On imagine aisément leurs arguments : “Certes, nous avons voté la mort du frère de Sa Majesté Louis XVIII, mais aujourd’hui, outre que nous conservons une officieuse, mais réelle influence, nous avons changé et nous voulons nous tourner résolument vers l’avenir.” Il est convenu avec les envoyés de Louis XVIII que la proclamation de l’amnistie par rapport au Vote figurera dans la Charte, octroyée le 4 juin 1814. Et de fait, l’Article 11 de la Charte porte :“Toute recherche des opinions et des votes jusqu’à la Restauration est interdite. Le même oubli est recommandé aux tribunaux”.
Après l’arrivée du Roi et des Emigrés, les régicides démissionnent. Sinon d’ailleurs, ils sont démis ou destitués sur leur seule qualité de conventionnel régicide. Cependant, malgré le climat revanchard qui s’installe contre les vieux révolutionnaires, l’autorité royale impose l’arrêt de poursuites qui seraient de mauvaise politique. Soit confiance aveugle dans la mansuétude royale, soit désir d’obtenir leur pardon, certains se présentent à la cour et se répandent en sollicitations scandaleuses et en bassesses pitoyables. A ce moment, ils espèrent s’intégrer à la monarchie bourbonienne comme ils se sont satisfait de l’Empire. Mais leurs illusions ne durent pas.
Commence alors une campagne terrible contre la Révolution, ses principes, ses créations et ses hommes. Quand paraît la biographie des Hommes Vivants, un sous-préfet, M. Leblanc, porte plainte contre les éditeurs parce qu’on l’a confondu avec M.Blanc. Qu’a donc fait M.Blanc de si répréhensible pour que M.Leblanc demande des dommages et intérêts ? Monsieur Blanc a simplement été membre de la Convention, où il n’a même pas voté la mort de Louis XVI ! Les Emigrés et la presse se défoulent. Louis XVIII multiplie les humiliations à l’encontre des Régicides.Le résultat de cette attitude est l’organisation immédiate d’une puissante opposition, commune aux bonapartistes et aux républicains. Les Conventionnels, écartés du pouvoir pour la première fois depuis plus de vingt ans, cherchent à se regrouper. Fouché et Carnot prennent la tête de cette faction des votants. En juillet 1814, Carnot adresse au Roi un mémoire fameux. S’adressant aux Emigrés, entre autres à Chateaubriand, il donne une leçon d’humanité et d’histoire. Il justifie le Régicide comme doctrine en invoquant les Livres Saints, les Prophètes, l’Antiquité. Il pulvérise le droit divin et exalte la légitimité populaire.“C’est par la grâce de Dieu qu’on verra toujours règner les plus forts.”
Louis XVIII avait promis l’oubli du passé. Or à l’approche du 21 Janvier 1815, vingt deuxième anniversaire de l’éxécution de Louis XVI, on craint et l’on fait craindre une Saint-Barthélémy des Régicides. Les Ultraroyalistes et les prêtres appellent “les vengeances du ciel contre les tueurs de Roi.” Les régicides vivent dans la crainte. Vingt ans plus tôt, ils ont appris à connaître la Terreur Blanche. Finalement, dans ce climat de tension entre régicides et émigrés rentrés, survient la nouvelle du débarquement de Napoléon.

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