Fin Des Girondins et Gouvernement Révolutionnaire

Pardonnez au plus Grand Nombre

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Et les choses se gâtent. Le Montagnard Roux de la Haute-Marne se met en colère contre les Girondins présents, qu’il accuse de protéger leurs amis, les traîtres qui assassinent la République. Cet état d’esprit n’est que trop justifié. Le 13, coup sur coup, on annonce deux nouvelles préoccupantes. Buzot et sept autres députés de droite, évadés ou absents illégalement de la Convention, ont pris le contrôle du département de l’Eure, dont l’administration lève des troupes contre la Convention. Par ailleurs, on apprend que l’administration insurgée du Calvados, a arrêté à Bayeux deux députés Montagnards en mission, Romme et Prieur-Duvernois. Après la guerre de Vendée, c’est l’éclatement d’une nouvelle guerre civile. Les huit fugitifs sont décrètés d’accusation, c’est-à-dire qu’ils doivent être jugés par le Tribunal Révolutionnaire. Ce sont les premiers depuis Marat. Malgré cela, Doulcet, Girondin conservateur, réclame à nouveau et avec insistance, le rapport du Comité de Salut Public.Puis le lendemain, Guyomar, Génissieu et Daunou renouvellent courageusement la même demande.
Le 15 juin, l’appel nominal demandé par les Montagnards révèle qu’il manque 90 députés, qui sont pour la plupart partis en province inciter les administrations départementales à la révolte. Ainsi, deux Montagnards, Nioche et Gauthier, rendent compte à la tribune de leur mission à Lyon. Ils ont été emprisonnés sur l’ordre de la municipalité de la deuxième ville de la République, en révolte ouverte contre Paris. La dramatisation monte encore d’un cran. En deux semaines, les dégâts causés par les Girondins et les Royalistes sont considérables. Les deux-tiers des administrations départementales ont suivi leur appel à la révolte. A la Convention, les protestations contre le coup d’état ne rassemblent cependant que quelques dizaines de députés.
Le 23 juin, la discussion sur la Constitution est close. Brissot, figure emblèmatique des Girondins, est à son tour décrèté d’accusation. Mis en arrestation chez lui, il a trompé la vigilance de son gardien et il s’est enfui. La surveillance des députés décrètés d’arrestation encore à Paris est accrue, malgré les protestations du Girondin Lacaze. Le 24 juin, la Constitution est soumise à la ratification du peuple français. Boyer-Fonfrède, avec courage, demande encore une fois le rapport du Comité de Salut Public sur les députés arrêtés et Guyomar attaque la Montagne. Mais en réponse, et jusqu’à nouvel ordre, toutes les démissions et tous les congés sont supprimés.
Le 30, André Dumont, député maratiste de la Somme, dénonce les députés de l’Aisne, signataires d’une protestation publique contre la journée du 2 Juin. Sur le moment, la dénonciation n’a pas de suite. Cependant, cette dénonciation collective, pour un motif secondaire, éclaire l’évolution de l’état d’esprit des Montagnards. Les Montagnards sont prêts de chercher des coupables partout, même pour le moment inoffensifs. Car il y a loin d’une protestation à une rébellion. Mais comme le protestataire est un rebelle en puissance, les Montagnards vont bientôt préfèrer une prévention à portée de main qu’une guérison aléatoire.
Dès lors, plus de deux cents députés, masse considérable composée de Girondins, Royalistes et Centristes modérés, se sentant menacés, vont agir en dépit de leurs convictions. On assiste aux premières rétractations, telle celle de Boissy d’Anglas qui fait barrer sa signature au bas d’une protestation.
Le 8 juillet, Saint-Just présente enfin le rapport tant attendu au nom des Comités. Sa conclusion est encore mesurée :“Quoi qu’il en soit, la liberté ne sera point terrible envers ceux qu’elle a désarmés. Proscrivez ceux qui nous ont fui pour prendre les armes ; leur fuite atteste le peu de rigueur de leur détention. Proscrivez-les, non pour ce qu’ils ont dit, mais pour ce qu’ils ont fait. Jugez les autres et pardonnez au plus grand nombre.”
Malgré cette modération, Salle, Louvet, Lanjuinais, Buzot, Bergoeing, Gorsas, Pétion, Barbaroux, en fuite et convaincus de trahir la patrie, sont mis hors-la-loi. C’est la dernière étape avant la mise à mort. Il suffit désormais de mettre la main sur ces députés et de reconnaître leur identité pour qu’ils soient éxécutés séance tenante. Gardien, Mollevault, Gensonné, Guadet, Vergniaud, qui sont en prison, sont décrètés d’accusation. Une étape est franchie pour eux également. Ils seront jugés au Tribunal Révolutionnaire. Mais aucune date n’est fixée et le sang des députés n’a pas encore coulé.
Ce rapport ébranle plus d’un républicain dans l’assemblée et dans les départements, compte tenu de la personnalité des proscrits. Car ces hommes bientôt traqués, à la merci du moindre mouchard, sont des célébrités parmi les révolutionnaires : Pétion, illustre premier président de l’assemblée, Salle, l’adversaire du droit de veto, Lanjuinais, l’homme de l’abolition des privilèges, Buzot, l’ennemi de la dîme et du clergé, tous membres de l’extrême gauche de la Constituante. Peut-on croire dans le public et dans les couloirs de l’assemblée que ces hommes sont soudain devenus des traîtres ? Louis XVI, un traître, c’est dans la nature des choses, mais Barbaroux, le cerveau de la prise des Tuileries ! C’est à désespérer de la République. Même si l’on peut légitimement soupçonner Lanjuinais et Salle de royalisme, leur patriotisme au moins n’a jamais été suspect. La Convention n’a pas le temps de s’apesantir. A la suite du rapport, les Girondins Defermon, Jean-François Ducos et Boyer-Fonfrède, essaient de défendre les proscrits et de contester les mises hors-la-loi. En vain. D’ailleurs, l’incident est clos et l’infatigable André Dumont dénonce cette fois les députés de la Somme, signataires d’une autre protestation contre la journée du 2 Juin. Là encore, pas de suite immédiate.
Le 10 juillet, le Comité de Salut Public, composé de Montagnards modérés, est renouvelé dans un sens plus “directif”.Mauvais signe pour les Girondins : des hommes plutôt conciliants comme Danton, Lacroix, Delmas et Cambon en sont écartés. Le lendemain, Cambon, qui présente un rapport-bilan, impute les difficultés présentes à la Droite. Cela s’appelle enfoncer le clou et Guyomar, qui réplique avec audace, rétablit sa vérité. Le 12, Chabot, spécialiste de la dénonciation avec André Dumont, attaque le Girondin Saint-Martin Valogne.Seulement, celui-ci est défendu par Villers, prêtre et républicain authentique. Les dénonciations n’ont toujours pas de suite. Les Girondins de la Convention se défendent encore crânement. Ils ne sont plus qu’une poignée. Le même jour, Birotteau et Chasset, qui ont encouragé les rebelles de Lyon, sont mis hors-la-loi. C’est le début d’une routine funeste. Mais paradoxalement, le premier mort ne sera pas girondin : Charlotte Corday est arrivée à Paris.

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