Restaurations, 1814 - 1815

Amnistie ?

SAINT-JUST

Dans les années 1950, aux Etats-Unis, le Sénateur Mac Carthy lance la chasse aux sorcières. Il traque les individus soupçonnés d’aider les Communistes ou les alliés de l’URSS. Sur des motifs oiseux, sur des accusations douteuses et jamais prouvées, dans un climat d’inquisition, des personnalités ont été dénoncées et exclues de leur profession, quand elles n’étaient pas emprisonnées ou contraintes de s’exiler comme Charlie Chaplin.
En 1816, la chasse aux régicides devrait être moins arbitraire dans la mesure où elle se réfère à un fait concret et limité. Or, les dispositions de l’Article 7 de la Loi sont imprécises. Le flou des définitions entraîne toutes les interprétations et tous les débordements. La loi dite d’Amnistie est votée le 12 janvier 1816. En apparence généreuse puisqu’elle prétend annuler toutes les poursuites liées aux évènements politiques, la loi comprend une exception qui invalide le principe. L’Article 7 contraint à l’exil les régicides qui ont signé l’Acte Additionnel aux Constitutions de l’Empire : “Ceux des Régicides qui, au mépris d’une clémence sans bornes, ont voté pour l’Acte Additionnel, ou accepté des fonctions et emplois de l’Usurpateur, sont bannis à perpétuité du Royaume et sont tenus d’en sortir dans le délai d’un mois.” La monarchie capétienne ayant déjà duré huit siècles, ce “à perpétuité” doit paraître bien long aux yeux des régicides.
Les régicides sont donc les députés de la Convention qui ont voté la mort de Louis XVI ou contre le sursis à l’éxécution. S’ils ont eu de plus la malheureuse idée de se manifester aux Cent-Jours par une simple signature, ils sont concernés par cette “amnistie”. Chaque mot émis lors du vote fatidique compte aujourd’hui. En cet hiver 1816, il faut savoir être précis. Tel qui a voté, et la mort conditionnelle, et le sursis, n’est pas compté comme régicide. Tel autre qui a voté pour l’emprisonnement et le bannissement, mais contre le sursis, est compté comme régicide. L’enjeu est de taille.
Or, la police exile à tort ceux qui n’ont voté la mort de Louis XVI qu’en cas d’invasion étrangère comme Thomas-Laprise, Vallée, ou Vermon. Ou encore des régicides qui n’ont pas signé l’Acte Additionnel aux Constitutions de l’Empire. Et Nioche, Montaut, Descamps, Pépin, Souhait, doivent quitter les leurs par l’abus de pouvoir de l’administration. Rouyer, pourtant royaliste, est également exilé à tort, peut-être parce qu’il est franc-maçon. Tous ces bannissements abusifs s’expliquent par l’idée répandue chez les royalistes qu’il faut conserver en France le moins possible de ces cannibales. Cette généralisation abusive entraîne d’ailleurs l’exil de royalistes convaincus !
La loi d’amnistie comprend comme régicides ceux qui ont voté pour la détention et contre le sursis à l’éxécution. On trouve là des députés bien loin de vouloir la subversion, comme Jorrand, Lemalliaud et Pépin. Champigny-Clément est emprisonné en novembre 1815 et expulsé deux mois plus tard. Bonet de Treyches a voté le sursis. Surtout, il est un des “proconsuls blancs”, artisan de la Terreur Blanche, complice de massacres de républicains à Lyon et Saint-Etienne en 1795. Bonet de Treyches, qui a favorisé le rassemblement et l’armement d’émigrés royalistes, est exilé. Même le prêtre royaliste Rabaut-Pomier qui a voté la mort à des conditions très restrictives et pour le sursis, qui a prêché la gloire des émigrés et des armées étrangères, doit partir. Gamon ne voulait pas que la Convention jugeât Louis XVI. Il n’a voté la mort qu’en cas d’invasion et pour le sursis. Surtout, il a été l’agent secret des Royalistes de 1795 à 1797.Il a favorisé l’insurrection du Treize Vendémiaire.Il a organisé le projet de coup d’état royaliste contre le Directoire. Enfin, Gamon a défendu la cause des Bourbons aux Cent-Jours. Malgré tous ces services éclatants rendus à la cause de la Monarchie, les Bourbons le chassent. Gamon part, réfléchissant à l’ingratitude des grands. Son ami Boissy d’Anglas obtiendra son retour deux ans plus tard.
Comme la poursuite des régicides est bien vue des puissants, le zèle des fonctionnaires de la justice de Louis XVIII ne connaît plus de limites. La police française s’épuise à la recherche de conventionnels qui ont devancé la Loi comme Pérard. Elle pourchasse les régicides déjà morts. Soupçonné de recel de proscrit, le fils du conventionnel Loncle doit prouver que le décès de son père est intervenu dans un accident 21 ans plus tôt. La police est sur les dents pour retrouver la trace d’Audouin, qui lui échappe sans peine dans la mesure où il est mort sept ans plus tôt.

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