Assiduité
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Congés

GENSONNE

Compte tenu de l’exaspération des passions, des députés cherchent donc les moyens d’échapper à cette étouffante pression. Deux options se présentent à eux : partir sur la pointe des pieds, ou bien se tétaniser sur un banc sans mot dire. Pour éviter une désertion pure et simple, qui serait condamnée par la Convention, les députés officialisent leurs absences par la démission, ou le congé.
Les 38 démissions acceptées officiellement correspondent aux crises que traverse l’assemblée. En dehors des démissions pour motif personnel, la Convention accepte la démission de deux députés qui désapprouvent l’éxécution de Louis XVI. En avril 1793, la trahison de Dumouriez paraît perdre irrémédiablement la République : six députés démissionnent. Suite au coup d’état pro-montagnard du 2 juin 1793, vingt députés démissionnent pendant l’été 1793. C’est la vague la plus importante. En septembre 1795 enfin, cinq députés sont pressés de quitter la Convention par crainte de l’insurrection royaliste qui se prépare, en invoquant l’acceptation de la Constitution.
Presque tous ces démissionnaires sont girondins ou royalistes. Ils cherchent à partir discrètement, mais, parmi eux, quelques uns claquent la porte bruyamment comme Manuel, Kersaint, Rebecqui, Dechézeaux et Larévéllière, tous girondins. En quittant l’assemblée, ce dernier déclare : “Je ne peux plus siéger dans une assemblée qui délibère sous la contrainte. Je n’y reviendrai que quand la liberté sera rétablie.” Ces hommes influents ne se sauvent pas à si bon compte. On va chercher Kersaint et Manuel chez eux pour les condamner à mort. Un an après sa démission, Rebecqui, qui est toujours poursuivi pour avoir incité Marseille à la révolte, se suicide.
Le départ sur la pointe des pieds, en catimini, est la technique de celui qui ne supporte plus de rester et qui ne veut pas non plus attirer l’attention en démissionnant. Pour Magniez qui explique son absence par le souci que lui cause la santé de sa femme, le succès de la manoeuvre est mitigé : il est arrêté. Pour Lemaignan, en revanche, qui s’est éloigné de Paris par prudence, le proverbe “Pour vivre heureux, vivons cachés” prend tout son sens. La démission discrète permet le plus souvent de passer au travers de l’orage. La tranquillité est presque assurée. Le 2 avril 1793, Balla, obscur député royaliste, démissionne, officiellement “pour cause de santé et de vieillesse”. Solomiac démissionne le 25 août 1793 et peut vivre loin des tracas. Si Sanadon, démissionnaire également, est emprisonné pendant un an, c’est qu’il n’a pas été raisonnable. Après sa démission, il a critiqué publiquement le gouvernement. Bertrand-Lhodisnière est arrêté le 2 juin 1793 et relâché un mois après. Il démissionne aussitôt et est laissé en paix. D’autres moins connus parviennent aussi à se faire oublier, non sans sueurs froides. Mollet démissionne le 17 août 1793 pour raison de santé. Mais il est arrêté de février à mai 1794. Peuvergne est arrêté, accusé de lâcheté et d’infâmie, puis relâché sans autres désagréments. Duplantier démissionne le 7 juin 1793, c’est-à-dire cinq jours après l’arrestation des chefs Girondins. Jean-François Ducos, du même département et du même parti, l’enterre politiquement à la tribune et lui sauve peut-être la vie : “Notre collègue a eu la faiblesse d’âme de démissionner. Il n’est pas par son courage à la hauteur des difficultés présentes.” Cinq mois plus tard, Ducos est guillotiné. Le courage se paie chèrement.
D’autres inventent les prétextes les plus farfelus pour démissionner sans attirer les soupçons. Malhes le 6 octobre 1793 démissionne parce que “sa femme est atteinte depuis plusieurs mois d’une maladie qui devient chaque jour plus dangereuse” et elle a “onze enfants en bas âge”. Rongiès démissionne parce que sa femme est malade.
Cependant, les démissions peuvent être refusées. C’est le cas de Tocquot, le 10 avril 1793. Il doit renouveler sa démission pour qu’enfin, elle soit acceptée le 14 août suivant. En août 1793, la démission offerte par Jean Moreau de la Meuse “parce qu’il croyait sa mission terminée”, est refusée pour le motif que tous les suppléants du département ont déjà été appelés. Et le pauvre Jean Moreau est obligé de rester sur son banc sans mot dire jusqu’à la fin de la session. Barety a été plus astucieux. Il quitte d’abord Paris le 5 juillet 1793. Ensuite, il adresse sa démission. Quand le refus lui parvient, il est déjà en sûreté et se garde bien de revenir.

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