Le Directoire, Novembre 1795 - Novembre 1799

Dans les Conseils

PETION

Pour exactement 507 Conventionnels, la carrière parlementaire se poursuit donc. Du point de vue du personnel parlementaire, on peut presque dire que la session de la Convention se poursuit. Dans les deux assemblées du Directoire, les Cinq-Cents et les Anciens, la répartition des anciens conventionnels est la suivante : forment le Conseil des Cinq-Cents, 156 députés nouveaux et 342 ex-conventionnels dont 117 régicides. Forment le Conseil des Anciens, 78 nouveaux députés et 165 ex-conventionnels, dont 55 régicides. Dans les deux Conseils, les Conventionnels forment toujours l’essentiel du personnel politique mais les régicides sont déjà très minoritaires (23%).
A l’installation du Directoire, les conditions politiques ne sont pas favorables aux Conventionnels maintenus. Le public les accuse de n’avoir pas respecté le suffrage des électeurs. Mais surtout, le Tiers nouvellement élu comprend la plupart des anciens membres importants des assemblées précédentes. Laffon-Ladébat, Dumolard, Aubert-Dubayet, Delarue, Viennot-Vaublanc, Siméon, Pastoret, Lecoulteux et Mathieu-Dumas viennent de la Législative.De la Constituante, arrivent Dupont de Nemours, Tronchet, Emery, Gilbert-Desmolières et Desmeuniers. Or tous ces nouveaux arrivants ont au moins trois raisons d’en vouloir aux Conventionnels.
Premièrement, ils ont eu peur.Emprisonnés, suspectés, humiliés, terrorisés, à un titre ou un autre, ils ont été victimes de leurs nouveaux collègues. Certains de leurs amis ont été guillotinés, parfois pour des motifs sérieux. Mais, même dans ce cas, le pardon n’est pas à l’ordre du jour. Ensuite, certains des nouveaux arrivants, qui ont été nommément dénoncés dans les derniers temps de la Convention comme conspirateurs royalistes, ont des comptes personnels à règler. Enfin, ils n’ont pas participé à l’action compromettante de la Convention. Les nouveaux, qui avaient toutes les chances d’être majoritaires sans le Décret des Deux-Tiers, sont d’autant plus frustrés que le Directoire est composé exclusivement de Conventionnels régicides.
De leur côté, beaucoup de Conventionnels voient d’un mauvais oeil ces républicains d’occasion, qui ont souvent démissionné ou même trahi la cause de la Nation quand elle avait le plus besoin d’eux, notamment après le 10 Août 1792. La plupart du temps, ces hommes nouveaux n’ont pas voté pour la mise en accusation de Lafayette et ont même déserté la Législative.
Le climat est éxécrable dans les deux Conseils. La tension et la défiance règnent entre les ex-conventionnels et les nouveaux députés. A partir de cette situation de départ et au travers des années troublées du Directoire, émerge d’abord un esprit de corps, auquel se superposent ensuite plusieurs coteries d’ex-conventionnels.
Pour le moment, les ex-Conventionnels, grâce à la très profitable campagne d’Italie menée par Bonaparte, contrôlent la situation. Les cinq Directeurs, Carnot, Larévéllière, Barras, Reubell, Letourneur, et deux ministres, Charles Delacroix et Merlin de Douai, sont des ex-conventionnels régicides. Au début, le Directoire donne des gages au Nouveau Tiers, qui est provisoirement neutralisé. Ainsi, le Directeur Carnot, devenu modéré, se consacre exclusivement à la lutte contre les agitateurs de gauche, parmi lesquels quelques ex-conventionnels, regroupés autour de Babeuf. Carnot obtient en avril 1796, le vote d’un décret qui punit de mort l’apologie de la constitution Montagnarde, pourtant ratifiée par près de deux millions de Français ! En mai, Babeuf est arrêté et une loi interdit le séjour à Paris des ex-conventionnels sans fonction.
Mais en juin 1796, les Anciens refusent de combler seize sièges devenus vacants, par d’autres ex-conventionnels non-cooptés. En octobre, malgré la majorité du Directoire, la répression de l’échauffourée de Grenelle et de la Conspiration des Egaux, est extrêment dure : 33 condamnations à mort, dont trois ex-conventionnels. En revanche, les conspirateurs royalistes ne sont pas poursuivis. Le nouveau tiers a déjà une influence menaçante.
Aussi, début 1797, alors que Bonaparte accumule les triomphes et les abus de pouvoir en Italie, les ex-conventionnels se préoccupent de leur devenir. En mars, des pointages précis font apparaître que 71 ex-conventionnels doivent quitter les Anciens, et 145 les Cinq Cents. Incidemment, l’on découvre l’existence d’un député-fantôme, un certain Félix Hamon, après 18 mois de session !
Le 20 mai 1797, près de 250 ex-conventionnels quittent constitutionnellement les Conseils. Sur les 216 qui se sont représentés, 13 seulement ont été réélus. La côte de popularité des ex-conventionnels auprès du corps électoral ne s’est pas améliorée. Le Directoire, sensible à leur situation, et pour cause, cherche à les replacer dans les services publics ou les administrations. Allafort est le seul qui refuse une proposition interessante dans l’administration. Par principe, ce républicain rigide n’accepterait de fonction publique, que consacrée par l’élection.
Ce 20 mai 1797, arrive un nouveau tiers composé de 250 députés, en général plus conservateurs que les ex-conventionnels. Cette fois, les ex-Conventionnels deviennent minoritaires dans les deux chambres et la proportion des régicides passe à 11% ! Aux Cinq Cents, il reste 165 ex-conventionnels sur 500 députés.
Rapidement, les nouveaux hommes forts changent à leur profit le personnel dirigeant. Au poste de Directeur, en remplacement du régicide Letourneur, les Cinq Cents proposent une liste de dix candidats. Parmi ces candidats, un seul ancien Conventionnel, Cochon-Lapparent, le bras droit de Carnot. Finalement, le nouveau Directeur élu est Barthélémy, ancien ambassadeur de Louis XVI, candidat de la Droite, par 138 voix contre 75 à Cochon-Lapparent. Le régicide Lamarque est remplacé comme Président des CinqCents par le général Pichegru, vendu à Louis XVIII. Pichegru est porté par un raz de marée : 387 voix sur 444. Le dernier président des Anciens, le régicide Courtois, est remplacé par Barbé-Marbois, royaliste notoire, ancien ministre de Louis XVI, co-auteur de la Déclaration de Pillnitz, déclaration qui amena la guerre. Les fondateurs de la république, fondée moins de cinq ans plus tôt, ne sont plus en mesure de la défendre légalement. Ils représentent un tiers environ du personnel politique.
Les ex-conventionnels Royalistes, comme Jard-Panvillers et Henry-Larivière, s’allient aux députés de la nouvelle Droite, tels Lemerer et Pastoret, députés Feuillants de la Législative. En dehors des royalistes, tout le personnel de la Convention est mis en quarantaine. Résultat : les divisions de parti qui avaient déchiré la Convention s’estompent définitivement sous le Directoire. Les anciens de la Convention qui siègent encore aux Conseils, se solidarisent. Apparaît alors un corporatisme des anciens Conventionnels, surtout des régicides. Autour du Directeur Barras, ancien Montagnard responsable d’une furieuse répression à Marseille et à Toulon, se forme même un cour d’anciens Girondins réactionnaires, tels que Hardy, Bailleul, Bergoeing et Chazal ! Officiellement, les ex-conventionnels veulent soutenir la Constitution qu’ils ont établie. Officieusement, ils pensent déjà beaucoup à se soutenir entre eux.
D’autant que l’avenir s’assombrit. Des députés ont osé demandé l’abolition du 14 juillet comme fête nationale, la suppression de la commémoration du 21 septembre, jour anniversaire de la République, le rétablissement de la religion catholique d’état. La majorité néo-royaliste n’a plus qu’un bastion à prendre, le Directoire, pour emporter toute la Révolution.

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