Le Règne des Thermidoriens, Août - Décembre 1794

Comptez-vous comme Coupables 80 000 Hommes ?

02-BRUMAIRE

Par ailleurs, la question essentielle de la réintégration des députés incarcérés vient au premier plan. Arrêtés en octobre 1793, ces 73 députés ont failli ne pas passer l’hiver. Depuis la chute des Ultras, qui réclamaient leur mort inlassablement, ils attendent sagement en prison. Le 25 août 1794, le Royaliste Durand-Maillane déplorait prudemment que “des soupçons injustes pèsent sur une partie de la Convention”.Il sous-entendait que les députés maintenus en état d’arrestation pour avoir protesté contre le 2 juin 1793, étaient innocents. Ce jour-là, Bourdon de l’Oise avait mis les points sur les “i” : “Certes, toutes les opinions sont respectables … Mais comme ces 73 députés sont évidemment suspects, il n’est pas question de les réintégrer.” Or sept semaines plus tard, ce 13 octobre, le Girondin Pénières ose réclamer la réintégration des 73 députés Girondins et Royalistes emprisonnés, et obtient effectivement leur libération, à défaut de leur réintégration. C’est trop ou trop peu.
Le 22 octobre, neuf jours après, Pénières, soutenu par le Royaliste Pelet, revient à la charge et réclame encore la réintégration des 73 : “Ils n’ont dit que la vérité” Pour la première fois, les Thermidoriens s’inquiètent. Merlin de Thionville : “Ils ont calomnié le 31 Mai, que toute la France a unanimement applaudi.” Faisant allusion à la masse de la Garde Nationale et des sans-culottes qui ont permis le Coup d’état du 2 juin 1793, le Thermidorien Bentabole s’écrie : “Comptez-vous comme coupables 80 000 hommes ?” Et Pénières : “Non.Mais leurs chefs, oui !”.
Dans le même temps, la lutte contre les Clubs populaires s’intensifie. Le 11 octobre, le président du Club Electoral est arrêté. Le 16, les Thermidoriens Delmas et Bourdon de l’Oise obtiennent l’interdiction de la correspondance entre les sociétés populaires : les Clubs ont les ailes coupées. Le 24, le Club électoral est fermé et tous ses dirigeants arrêtés. Le 3 novembre, dernière convulsion impuissante des Jacobins, Billaud-Varenne s’écrie, sans y croire lui-même :“Le lion que l’on croit mort n’est qu’endormi. Il est temps qu’il se réveille, qu’il se précipite sur ses ennemis et qu’il les déchire”. Aubaine pour les Thermidoriens qui, le 5, singent la frayeur. Bentabole, Tallien, Bourdon de l’Oise et Legendre dénoncent le “lion” de Billaud-Varenne et disent vouloir remplacer “le système sanguinaire par le système de justice”. Le lendemain, leur ami Clausel prétend froidement, au nom du Comité de Sûreté Générale, que les Jacobins complotent avec les émigrés. Le 8, les Jacobins sont lapidés à la sortie de leur Club, avec la complicité du Comité de Sûreté Générale et des Muscadins. Le 9, le Montagnard Duroy dénonce l’inaction de la police pendant la lapidation de la veille. Duhem reprend mot à mot une phrase de Marat au sujet des Girondins :“Tout cela a été combiné dans les boudoirs de Madame Cabarrus (la future Madame Tallien) !” Mais l’heure n’est plus à la vérité. Le 11, le Thermidorien Reubell et Laignelot, ancien jacobin lui-même, obtiennent la fermeture du Club des Jacobins, comme cause des récents désordres !

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