Dix Neuf Brumaire, 9 Novembre 1799
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Putsch

12-FRUCTIDOR

Mirabeau avait réussi à détourner de la toute jeune Assemblée Constituante, dix ans plus tôt, “la force des bayonnettes”. Bonaparte, lui, devient Premier Consul par cette force des bayonnettes, la loi du plus fort.
Plusieurs ex-conventionnels sont au pouvoir à l’automne 1799. Dans la lutte qui s’annonce, les ex-conventionnels sont divisés. Certes, les Directeurs régicides, Siéyès, Roger-Ducos et Barras, sont prêts à abandonner la Constitution. De même, les ministres Fouché à la Police et Cambacérès à la Justice, sont acquis au complot. Mais deux Directeurs, Moulin et Gohier d’une part, et trois ministres d’autre part, devront être neutralisés. Les régicides Dubois-Crancé à la Guerre, Quinette à l’Intérieur et Lindet aux Finances, sont d’anciens montagnards aux fermes convictions républicaines.
Aussi, le coup d’état du 18 Brumaire est minutieusement organisé. Les banquiers, notamment Perregaux, Lecouteux et Collot, qui sont derrière Siéyès et Bonaparte, financent grassement la corruption. Beaucoup de députés sont achetés, ainsi que le Directeur Barras. De nombreux généraux, qui ne voient dans les députés que des bavards et des avocats, sont complices ou neutres. Deux Directeurs et plusieurs ministres sont complices. Tout est fait pour maquiller le coup de force en réforme constitutionnelle. Mais malgré ces dispositions, le Coup d’Etat se transforme en violence pure, manu militari.
Le 18 Brumaire, la force armée est requise au service de Bonaparte, nommé commandant des troupes et de la Garde du Directoire. Aux Anciens, les conjurés occupent la tribune et décrivent la France, pourtant victorieuse et prospère en dépit d’un gouvernement instable, comme au bord du gouffre. Comme au temps des Thermidoriens, pour justifier le coup d’état, un complot Jacobin est invoqué. Des anarchistes accourraient de partout, se mettraient au service des faubourgs parisiens sous les ordres de Santerre, le héros de la Prise de la Bastille et de la Prise des Tuileries. Le commandant de serait déjà désigné. Il s’agirait du Montagnard Garrau, actuel membre des Cinq Cents. Le but de la conspiration serait de ressusciter le Gouvernement Révolutionnaire, la Convention Nationale, le Comité de Salut Public et la Terreur ! Les conjurés évoquent un projet alarmaznt de massacre des députés.
Crédules ou non, les Conseils doivent quitter Paris et sont convoqués pour le lendemain à Saint-Cloud, où les conjurés n’ont pas à craindre le peuple de Paris. Les députés soupçonnés d’être trop républicains, ne sont pas prévenus du changement du lieu des séances. Parmi les ex-conventionnels, le Girondin Guyomar et le Montagnard Monmayou sont comme par hasard oubliés. Mais, déjà, les moins avertis flairent le coup d’état.
Le 19 Brumaire, suite au transfert du Conseil à Saint-Cloud, le coup d’état devient évident à tous. La présence d’une multitude de généraux et de soldats était là pour éveiller leurs soupçons. Aux Cinq Cents, malgré les complicités et la présidence de Lucien Bonaparte, les opposants se manifestent bruyamment. Cinq ex-Conventionnels sont à la pointe du combat démocratique : Delbrel, Talot, Fronton-Duplantier, Bertrand-Lhodisnière et Goupilleau-Fontenay, soit deux Montagnards, deux Girondins et un Thermidorien. Delbrel :“La Constitution ou la mort ! Les bayonnettes ne nous effraient pas. Nous sommes libres ici !” Des cris menaçants retentissent :“A bas les dictateurs !” .
Les députés de gauche demandent le serment à la Constitution par appel nominal. Lucien Bonaparte préside et ne demande pas mieux que de gagner du temps. Aussi, il organise bien volontiers le serment. Unanimement, le Conseil des Cinq Cents jure d’être fidèle à la Constitution. Puis coup sur coup, on annonce la démission de Bergoeing, ex-conventionnel et bras droit du Directeur Barras, puis la démission de Barras lui-même, sans aucune explication. Il apparaît seulement que Barras se “désiste” en faveur de Bonaparte. Lucien Bonaparte quitte le fauteuil et est remplacé par Chazal, un autre conjuré, qui gagne du temps. Les conjurés endorment les vélléités de résistance en proposant d’attendre des nouvelles du Directoire, des ministres, et des Anciens. Or le Directoire est suspendu, les Ministres séquestrés, et les Anciens, muets.
Aux Anciens, l’opposition comprend notamment trois ex-conventionnels : Collombel de la Meurthe, Guyomar, enfin arrivé, et Bar, soit un Montagnard, un Girondin et un Thermidorien. Cela n’empêche pas Bonaparte d’utiliser à son tour l’épouvantail de la Convention pour s’attirer la sympathie des députés indécis. Dans une déclaration aux Anciens, il stigmatise le Conseil des Cinq Cents “où se trouvent des hommes qui voudraient nous rendre la Convention, les Comités Révolutionnaires et les échafauds.“ Finalement, des déclarations de Bonaparte scandalisent les députés de gauche. Mais les conjurés parviennent à maintenir un calme relatif.
Aux Cinq Cents, au contraire, on parle de le mettre résolument hors-la-loi. L’ancien montagnard Talot veut marcher sur Paris avec toute l’assemblée et rallier les faubourgs. Des motions contradictoires se croisent et le temps se perd.
Au mot “hors la loi”, Bonaparte se rend aussitôt aux Cinq Cents. Mais son éloquence militaire est un fiasco. Aux cris de “A bas le Cromwell ! A bas le tyran ! Hors la loi le dictateur !”, il est piteusement chassé du Conseil. Lucien Bonaparte sauve son frère du ridicule et invente une conspiration des poignards. Il harangue la garde du Directoire et a cette phrase impudente : “Au nom de ce peuple qui depuis tant d’années est le jouet de ces misérables enfants de la terreur, je confie aux guerriers le soin de délivrer la majorité de leurs représentants…” Il exhorte les “guerriers” à expulser les “assassins de son frère”, “chevaliers du poignard”, “les factieux vendus à l’Angleterre”. Murat, plus simplement, crie à ses soldats :“Foutez-moi tous ces bougres-là dehors !” Trois cents soldats, bayonnette au canon, chassent les représentants de trente millions de Français.

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