La République aux mains des Royalistes, Janvier - Juin 1795

Nous n’avons pas de Gouvernement

LOUVET

Car à la Convention, entre un accès de fièvre réactionnaire, une annonce de massacre de républicains comme celui d’Aix le 11 mai, et un discours surréaliste inspiré de la méthode Coué, certains députés essaient de d’affronter la situation qui s’aggrave. Des Montagnards conscients, comme Dubois-Crancé, Saint-André, Pressavin et Duroy, réclament une fois de plus des mesures contre l’inflation et une nouvelle organisation du pouvoir :“Nous n’avons pas de gouvernement”.
Malgré leurs arguments, plus que fondés, la Convention hésite. La Droite ne peut envisager des mesures dirigistes. D’autre part, la majorité de la Convention ne s’est pas guérie de ce mélange de peur et de respect qu’ont inspiré longtemps les Montagnards. L’esprit de décision des Montagnards dérange. Dans le doute, la Droite interprète la plainte des Montagnards comme une menace : “Nous n’avons pas de gouvernement” devient “Nous allons former un gouvernement.”.
A la vérité, un phénomène nouveau explique aussi cette vacuité de l’éxécutif dans les derniers mois de la Convention : l’apparition sur le devant de la scène des seconds rôles. Les vides sont tels que des députés qui n’ont joué jusqu’ici que des rôles modestes, sont propulsés au premier plan.Dépassés par leurs responsabilités, ils peuvent ne pas être à la hauteur de leur tâche.Dans ces circonstances cruciales, la Convention ne trouve plus dans ses rangs les hommes capables de parler au nom de la République Française.
Déjà, le 17 février, le député Bollet, peu connu, avait signé avec Charette, petit dictateur local parmi les Vendéens, un traité avilissant qui garantissait au chef des rebelles deux millions de Francs et le pouvoir militaire sur plusieurs départements. A l’assemblée, devant ces conditions exorbitantes, le Montagnard Ruamps, révolté, avait hurlé : “Mieux vaut être Charette que représentant du peuple !” Mieux, le 2 mai, un député encore plus discret, Ruelle, signe au nom de la Convention, avec Stofflet, chef chouan traqué, un traité encore plus désastreux.
Autre exemple, Balland, chargé d’une réforme des finances, fait décrèter le 29 mai, une loi sur la vente des Biens Nationaux. Cette loi s’avère tellement ruineuse qu’elle est rapportée en catastrophe neuf jours plus tard. Bien sûr, ces pas de clercs nuisent au prestige de la République et de la Convention.
La spéculation fait rage et l’inflation rend les produits de première nécessité inabordables au plus grand nombre. Bourdon de l’Oise ne peut que constater, impuissant, le 17 mai : “Nous avons une hydropisie de papier.” Aucune mesure positive n’est prise cependant. Seul moyen de montrer la vigueur de la Convention, le Royaliste Durand-Maillane, ressuscitant un thème vieux de dix mois, réclame de nouvelles poursuites contre les représentants en mission Montagnards dénoncés. Les Montagnards, pourtant très peu nombreux, servent ainsi de boucs émissaires. Les difficultés du moment leur sont imputées.
Piètre consolation pour les émeutiers en voie de rassemblement. Pourtant il était temps d’agir pour le peuple parisien. Faute de crédit moral et financier, faute d’un pouvoir identifié, fiable et stable, les palliatifs successifs ont eu pour seul effet de renforcer la spéculation. Le sang va encore couler, et pour la première fois, dans l’enceinte de la Convention.

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