Experience

Anciens Législateurs

COLLOT-DHERBOIS

L’autre source d’expérience politique vient de l’Assemblée Législative, qui précèda immédiatement la Convention, et qui a connu les premiers signes de la tempête qui se lève.
Le 8 août 1792, deux jours avant la chute du trône, la Législative procède à un appel nominal pour déterminer s’il y a lieu de mettre le général Lafayette en accusation. L’assemblée répond NON par 406 voix (65%) contre 224. Parmi ces 224 députés, 201 siègent aujourd’hui à la Convention. A la quasi-unanimité, ces députés ont voté pour la mise en accusation, rejetée par l’assemblée. En d’autres termes, ils formaient la minorité de gauche de la Législative. (Onze jours plus tard, Lafayette déserte avec vingt deux officiers de son état-major et cette fois, l’assemblée le met en accusation.) Après le 10 août et la chute du Trône, la moitié des députés a déserté l’assemblée. Cette minorité de gauche devient majoritaire. Par 224 voix sur 287, la Législative appelle Danton au Ministère et, avec 220 voix, porte Cambon à la présidence de l’assemblée.
A la Convention, cette masse d’anciens législateurs reste à gauche dans l’ensemble. Agés de quarante deux ans en moyenne, ils ne sont pas suspects de complicité avec la royauté. Ils l’ont abattue, alors que les Constituants avaient rétabli Louis XVI sur son trône après la fuite à Varennes.
Nombreux, expérimentés, vainqueurs de la royauté, mettant en pratique la république, légiférant sans roi depuis quarante jours, formant un noyau compact, comptant parmi eux des compétences et des courages reconnus, notamment leurs anciens présidents Vergniaud, Guadet, Condorcet, Guyton-Morveau, Gensonné, Lacroix, Hérault de Séchelles, Cambon, les législateurs sont l’âme de la Convention dans les premiers temps, soutenant les Girondins et tenant tête à la Commune de Paris. Mais, alors que les partis se crispent, ils s’éloignent peu à peu des chefs girondins. Au procès du roi, pour les trois quarts, ils s’alignent sur les positions montagnardes. Les anciens de la Législative votent la mort du Roi dans une proportion écrasante, 76%, et bien supérieure à la moyenne de la Convention, 54% (145 sur192). Ils votent contre le sursis de manière analogue :132 sur 181 soit 73% par rapport à 55% pour l’ensemble de la Convention. Leur poids est décisif dans la lutte entre Girondins et Montagnards au printemps 1793 et pendant toute la période montagnarde. Les législateurs participent bien plus aux débats que la moyenne des députés. Parmi eux, vingt et un seulement restent absolument muets lors des débats, soit 10,5% par rapport à 22,5% pour l’ensemble de la Convention.
Les Législateurs, personnel politique de pointe, actif et décidé, forment donc la charpente de la Convention pendant ses deux premières années. Soixante six d’entre eux ne parviendront pas au terme de la session.

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