Girondins Prestigieux , Septembre - Décembre 1792

La Convention délibère sous les Poignards

PETION

A l’assemblée comme sur le champ de bataille, les Girondins veulent exploiter leur avantage pour en finir avec leurs adversaires, avec la Commune de Paris qu’ils veulent humilier, avec le Club des Jacobins dont ils ont été exclus, et avec les chefs Montagnards de l’assemblée, qui les irritent. Là aussi, la provocation prévaut. Leurs premières attaques les montrent avançant les yeux dans le rétroviseur. Les Girondins, qui font mine de poursuivre les complices des massacres de septembre, croient en trouver dans l’assemblée. Pourtant tous les députés ont déploré le sang innocent versé. L’indignation des Girondins est factice. Leur ami, le Ministre de l’Intérieur Roland, a même qualifié trois semaines plus tôt les massacres des prisonniers de ”mouvement violent salutaire“.

Mais les Girondins veulent récupérer à leur profit le dégoût des députés de province envers les députés amis de la Commune de Paris, soupçonnée d’avoir commandité les massacres. Quand Buzot réclame la création d’une garde départementale pour protéger la Convention et la recherche des provocateurs à l’assassinat, il vise surtout à accréditer en province l’idée que ”la Convention délibère sous les poignards“. D’autre part, contrairement à leurs cris d’alarme, Paris est calme et les députés récemment arrivés n’ont qu’à se louer de l’accueil des Parisiens. Enfin, leurs accusations personnelles sont inconsistantes et mensongères. Les Girondins font preuve de mauvaise foi et calomnient pour étayer des accusations ineptes. Tous les coups sont désormais permis, des plus retors aux plus violents. Après cinq jours de session, ils réclament déjà un décret d’accusation contre Marat !

Mais cette déclaration de guerre est unilatérale.En face, Marat, Danton, Robespierre, tous les députés de Paris attaqués et les quelques députés Montagnards des départements se gardent d’envenimer les choses. Ils sont une petite minorité et ont intérêt à éviter l’affrontement. Mais au delà de ces considérations tactiques, ils se veulent opposition loyale. Danton, inlassablement, avec une patience paternelle, cherche à rétablir l’harmonie : ”Mais laissez là des discussions tout individuelles et tâchez de les faire servir à la chose publique.“ Ou encore : ”Ecartons nos défiances, soyons unis et marchons à notre but !“ Par la suite, les attaques des Girondins ne sont pas plus habiles. Inlassablement, sur la foi de témoignages douteux, ils mettent en cause les chefs de la Montagne. Le 8 octobre, ils accusent la Commune de Paris d’un projet imaginaire d’insurrection. Le 18, ils attaquent Danton. Le 19, à nouveau la Commune. Louvet accapare la séance du 29 octobre pour dénoncer longuement et fielleusement Robespierre. Les Girondins multiplient les effets de tribune et les agressions verbales. Ce faisant, ils crédibilisent et renforcent leurs adversaires, en lassant la Convention.

De plus, désordonnés, indisciplinés, ils se contredisent fréquemment. A la suite du discours préparé de Louvet contre Robespierre, les Girondins Carra et Condorcet, dénoncent dans leurs journaux, ”ce discours apprêté aux passions particulières.“ A l’assemblée, les Girondins proposent des motions impolitiques ou suicidaires. Un jour, Birotteau propose de transférer le siège de la Convention ailleurs qu’à Paris. Buzot lui répond aussitôt :”Tu nous perds !”. Un autre jour, Barbaroux veut envenimer le débat par un décret d’accusation. Buzot est encore obligé de calmer son ami.

Le 5 novembre, les Montagnards excédés se rebiffent. Il n’est plus question de temporiser. Robespierre, dans sa réponse à Louvet, se défend, puis contrattaque. L’effet de son discours est tel que les attaques des Girondins sont momentanément stoppées.

Seulement, alors qu’ils dominent sans partage l’assemblée, les Girondins ont commis la faute de poursuivre avec acharnement une guerre intérieure contre les chefs Montagnards et la Commune. Au début, ils trouvent des alliés, notamment parmi ceux qui, comme Cambon à la Législative, apprécient peu les abus de la Commune. Mais par ces escarmouches perpétuelles, au fil des mois, l’influence des Girondins s’effrite. De contradiction en offensive stérile, le contrôle des Girondins s’étiole. Ils entament leur crédit et leur popularité. Insensiblement, ils détournent la Convention de sa mission. De grands révolutionnaires comme Barère, Cambon, Cambacérès, Merlin de Douai, Lacroix, Carnot ou Hérault de Séchelles sont poussés par les Girondins dans les bras des Montagnards pendant cette période. Le gros contingent des députés qui les avaient suivis en 1792 à la Législative passe du côté Montagnard en 1793.

Rien d’irréversible ne survient pourtant, les succès des armées garantissant le maintien de leur pouvoir. Précisément, l’attitude des Girondins, superbement ignorants des réalités, suppose que les succès militaires vont toujours durer. Ils prennent leurs adversaires de haut et au moment des revers militaires, l’irréparable division de la Convention aura été consommée.
Il faut chercher l’explication de ce manque de lucidité dans leur orgueil et leur aveuglement grandissant. Souffrant de leurs échecs parlementaires, leur agressivité est décuplée et leur sens politique troublé. D’échec en frustration, ils nourrissent leur animosité au détriment de leur jugement. Pour se maintenir au pouvoir en cas de revers miltaire, les Girondins doivent montrer une ferme volonté politique. Or leur manque de cohésion éclate dans les grands moments, et surtout dans le plus grand moment qui soit, quand les républicains doivent fixer le sort de leur dernier roi. De fait, dans cette période girondine apparemment homogène, la Convention opère déjà une première métamorphose, liée à la mort du roi, le 21 janvier 1793.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.