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Professions

GENSONNE

La répartition par professions est à considérer avec prudence. D’une part, les renseignements dont nous disposons sont parfois douteux. D’autre part, les catégories socio-professionnelles sont évidemment différentes en 1792 de ce qu’elles seraient aujourd’hui. Cependant, au regard des chiffres, une constatation s’impose. Les professions du barreau ont une représentation hypertrophiée : 323 hommes de loi au sens large.Juristes, greffiers, magistrats, notaires et surtout 167 avocats. Curieusement, c’est dans les échelons inférieurs de ces professions que la réaction royaliste recrutera ses hommes de main en 1795 : les Muscadins.
Un autre trait marquant est l’importance des professions ecclésiatiques, 57 députés, ce qui ne présage pas de la ferveur des convictions religieuses. La Convention compte 33 prêtres et 16 évêques, auxquels il faut ajouter 8 pasteurs, soit au total 8% des députés ! Mais il ne faudrait pas en conclure que la même appartenance religieuse en fait nécessairement des amis. Les pasteurs Saint-André et Lasource sacrifient leur ancienne amitié à la politique. De même, Voulland a été « pistonné » à la Constituante par le pasteur Rabaut Saint-Etienne mais ils s’affrontent à la Convention. Les neuf pasteurs protestants sont Montagnards, sauf Lasource et Rabaut-Saint-Etienne qui sont Girondins.Comme on le voit, les protestants et leurs pasteurs sont politiquement engagés.
Les 53 militaires forment un contingent appréciable également. D’une part, l’armée est très importante sous l’Ancien Régime.Elle représente une carrière « noble ». Ensuite, les militaires plébéiens ont vu leurs promotion sociale bloquée par la Noblesse d’épée, d’où leur engagement révolutionnaire.
La profession des médecins et chirurgiens est bien représentée avec 42 députés. Le contact des souffrances humaines et de la misère explique peut-être leur appartenance à la Montagne, où siègent notamment les médecins Marat, Baudot, Duhem, Levasseur, Bô, Taillefer et Lacoste.
Les propriétaires terriens (64) et la bourgeoisie d’affaires (45), surreprésentés, seront en mesure de défendre leurs intérêts … alors que les paysans et les journaliers n’ont pas de représentant. L’injustice est criante mais prévisible. Que les deux seuls ouvriers, les citadins Pointe et Armonville, lisent et écrivent avec peine, donne une idée du niveau cultureldes ouvriers, ruraux, et manouvriers, qui forment une grande partie de la population des campagnes.
Aux 19 savants comptabilisés, il convient d’ajouter les militaires de l’arme du génie qui peuvent être assimilés à des savants. Au siècle des lumières, la politique, la philosophie et les sciences sont des disciplines voisines. L’astronome Bailly, premier président de l’Assemblée Constituante, avait déjà montré la foi réciproque de la Révolution dans les sciences, et des scientifiques dans la Révolution. Dupuis, Fourcroy, Guyton-Morveau, Lakanal, Dulaure, parmi d’autres, représentent dignement la science à la Convention.
Les quatre artistes, Sautereau, David, Sergent, Bouquier, sont tous Montagnards. Ils ont davantage une mentalité d’artisan que celle « d’intellectuels de gauche ».
L’essor de la profession de journaliste est naturel. L’opinion publique joue un rôle croissant. La presse est donc dynamique et la participation active de nombreux Conventionnels de premier plan à la rédaction des journaux atteste de l’intérêt qu’ils lui portent. Quelques journalistes professionnels sont à ce titre des célébrités, tels Desmoulins, Brissot, Louvet et Duval.Beaucoup d’autres comme Marat, Robespierre, Fréron, Gorsas, Carra, Robert, Audouin, Fauchet, Philippeaux et Guffroy dirigent ou écrivent dans un journal. La propagande n’est pas seule en cause. Les entreprises sont rentables, les tirages sont modestes et beaucoup de députés écrivent régulièrement à leurs commettants, ce qui leur donne matière à témoigner dans un journal.La presse devient un élément de pouvoir.
Quelques députés sortent de la norme. Montégut n’est pas éligible parce qu’il est domestique de son état. Pour les élections il se donne la profession de … fossoyeur. Collot d’Herbois, qui ne doit pas sa notoriété au théâtre, est le seul comédien.
Parmi les 41 « sans profession », figurent notamment les oisifs Philippe-Egalité et Fréron. Enfin, la Convention compte quelques personnalités richissimes comme Dornier, Azéma et Amar. Les deux derniers sont montagnards.
En conclusion, presque tous les députés font partie de la bourgeoisie des villes. L’assemblée de 1792 n’est pas le portrait sociologique de la France. Les hommes de loi y sont surreprésentés. Cependant, la Convention représente le pays. De nos jours, les métiers n’ont pas davantage une représentation adaptée à leur poids réel. Certaines professions sont également surreprésentées. Aujourd’hui, environ 29% des députés sont enseignants et 14% seulement sont salariés du secteur privé. En 1792, les producteurs des champs et des villes sont absents de l’assemblée. Ceux des villes feront cependant entendre leurs voix à travers les sans-culottes parisiens.
La Convention réunit donc une partie de l’élite intellectuelle du pays, à cent lieues de brutes avinées et sanguinaires, complaisament décrites. Leur expérience humaine et professionnelle est “classique” pour l’époque.

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