Mobilisation Républicaine, Juillet - Octobre 1795

Convention Nationale, encore quelques jours

GUADET

Dans toutes les réunions, les Conventionnels sont dénoncés commes “exclusifs” ou “perpétuels”. Aussitôt une pétition hautaine est présentée à la barre de la Convention : “Méritez le choix du peuple et ne le commandez pas !” Le président Chénier, scandalisé, se défend lui aussi au nom du peuple : “L’Assemblée ne laissera pas avilir la puissance qu’elle tient du peuple entier.” C’est l’explosion. Les royalistes lancent une campagne sans précédent. Les journaux et les pamphlets dépassent toute mesure. Lors du massacre de la Saint-Barthélémy, Charles IX avait ordonné : “Tuez-les, mais tuez-les tous !”. En 1795, la presse royaliste reprend l’idée : “Les votants pour la mort ne mourront pas dans leur lit, à moins qu’ils ne meurent bientôt. Tuez-les !” Les appels à l’insurrection se multiplient.
Mais, la Constitution étant soumise à la ratification du peuple français, les chefs Royalistes pensent gagner la consultation électorale grâce à l’influence des départements. Ils retardent un dénouement violent et permettent aux sections royalistes de s’organiser. La Convention, rongée par la lassitude et l’incertitude, prépare des mesures de défense. Une course-poursuite s’engage autour de la ratification de la Constitution, comme à l’été 93 entre Montagnards et Girondins. Cette fois-ci, entre Républicains et Royalistes.
D’un côté, à la Convention, neuf républicains sur neuf sont élus aux Comités. A la demande de Daunou, un des 73 Girondins emprisonnés, la Convention confirme le bannissement à perpétuité des émigrés et la déportation des prêtres réfractaires. Daunou rassure les acquéreurs de Biens Nationaux, objet de la haine des Royalistes. Fréron obtient le rapport de la loi, génératrice d’abus, qui autorisait le retour des émigrés pour cause de 31 mai 1793.
En face, le 6 septembre, les sections se déclarent solidaires. Le 9, se constitue un Comité Central des sections, aussitôt déclaré illégal par la Convention dont l’autorité est bafouée. Car le 13, ce Comité Central se permet, par le canal des sections, d’adresser à la Convention une nouvelle pétition au ton péremptoire. Elle commence par ces mots : “Convention Nationale, encore quelques jours et la vérité éclatera. Tu la connaîtras mais trop tard !” Le président Thibaudeau interrompt l’orateur et consulte l’Assemblée qui refuse d’entendre la suite.
Tout autour de Paris, les agents royalistes développent une propagande musclée. Des émeutes éclatent au cours desquelles le nom du Roi est applaudi. A Paris même, des bandes menaçantes tournent autour de l’Assemblée. Des gardes de la Convention sont attaqués.
Aux armées, le moral de la troupe est au plus bas. Les soldats désertent, désobéissent et se rendent sans combattre. En outre, le ver est dans le fruit. Depuis le 14 août, le général Pichegru travaille pour la restauration des Bourbons. Or, aveuglement ou complot, le 18 septembre, la Convention le nomme à la tête des armées du Rhin et de Sambre et Meuse. Le général Jourdan qui a glorieusement passé le Rhin le 10 septembre, est abandonné et trahi par son commandant en chef. Son dangereux isolement le contraint à une retraite délicate et précipitée pour éviter l’encerclement.
A Paris, la situation de la Convention paraît si compromise que Tallien tente de réveiller l’Assemblée amorphe. Le 19 septembre, il s’écrie à la tribune : “Ralliez-vous, Républicains !” Le Girondin réactionnaire Defermon, pourtant non-votant lui-même, traduit l’angoisse secrète de nombreux Conventionnels repassés à la République : “Nous sentons que nous n’avons à attendre d’une monarchie que proscriptions et assassinats”.
Le 21 septembre, le président de la Convention proclame l’adoption par le peuple français de la Constitution de l’An III. Le Décret des Deux Tiers est adopté également, par 167 758 voix contre 95 373. Le nombre des votants est extrêmement faible. A Paris, les sections royalistes nient les résultats, d’autant que 47 sur 48 ont voté contre la perpétuation des Conventionnels. Les agents de Louis XVIII sont consternés mais il leur reste la solution violente.
De son côté, l’assemblée veut précipiter la transmission des pouvoirs. Dès le 23 septembre, la Convention convoque les assemblées électorales pour le 12 octobre. Les députés, se sentant indésirables, veulent en finir et céder la place. Mais les royalistes reviennent à la charge partout : à l’Assemblée, en Vendée et dans les rues de Paris.
A l’Assemblée, le 27 septembre commence un débat longtemps retardé. Il faut définir le territoire sur lequel va s’appliquer la prochaine Constitution. Schématiquement, les Républicains sont pour les annexions, les Royalistes sont contre. L’heure n’est plus au compromis. Finalement, malgré les instances des Royalistes, Boissy d’Anglas et Lesage en tête, et de leurs alliés occasionnels comme Harmand et Defermon, l’annexion de la Belgique et la création de neuf départements sont décrètées. La paix avec l’Autriche et l’Angleterre est repoussée à une date ultérieure.
Le 27 septembre, la Convention a reçu la première pétition louangeuse depuis trois mois. Une délégation des sections des faubourgs, c’est-à-dire des quartiers populaires de Paris désarmés en mai précédent, ose braver les Muscadins.Elle assure l’assemblée de son dévouement à la Convention et offre ses bras pour défendre la République. Le 29 septembre, la Convention refuse de recevoir une pétition des sections royalistes, venues signifier à l’Assemblée que ses pouvoirs sont terminés : les royalistes sont encore plus pressés que les députés !

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