L'Empire, 1800 - 1814

Régicides

12-FRUCTIDOR

Parmi toutes ces hautes personnalités de l’Empire issues de la Convention, et spécialement les régicides, le refus des Bourbons est le seul vestige du républicanisme. Ils renient tout ce qu’ils ont défendu, sauf la mort de Louis XVI, à laquelle ils ne peuvent nier d’avoir participé. Par crainte des représailles, l’intérêt personnel ici rejoint les convictions. D’éminents chercheurs comme M.Eugène Welvert et M.Pierre Bliard ont étudié le parcours des régicides. Il ressort de leurs travaux que la plupart des Conventionnels qui font carrière sous la Monarchie Impériale sont régicides. Notamment 21 préfets sur 23 et 42 hauts magistrats sur 43. Par ailleurs, sur les 311 ex-conventionnels qui prêtent serment à l’Empire, selon Allison Patrick, 155 sont régicides. On pourrait en conclure que les non-régicides ont, aux yeux de Napoléon, moins de compétences que les régicides, compte tenu de la forte proportion de régicides aux positions importantes.
En 1815, soixante dix régicides supplémentaires, venus de l’opposition républicaine intransigeante, apportent leur soutien à Napoléon. Après 15 ans d’opposition, ils se rallient par haine des Bourbons. On a là l’explication du paradoxe. Napoléon sait que les Régicides sont d’autant plus interessés au salut de l’Empire qu’ils ont plus à perdre en cas de retour des Bourbons. Les Régicides, qui sont a priori les plus antimonarchistes des Conventionnels, sont aussi les plus bonapartistes, quand ils n’ont le choix qu’entre Louis XVIII et Napoléon.
Ayant atteint les plus hautes marches de la hiérarchie impériale, évoluant dans le monde choisi et bien-pensant de l’Empire, le passé douloureux des Conventionnels les rattrappe quelquefois. Leurs relations sociales feignent d’ignorer leur parcours, surtout les nobles d’Ancien Régime ralliés à l’Empire. Les ex-conventionnels montrent une totale et compréhensible discrétion sur les sujets épineux de la mort du Roi et autres épisodes sanglants du temps de la Convention. Face à cette pression, il leur fallait l’esprit de répartie de Fouché pour ne pas se démonter. Napoléon lui ayant reproché un jour d’avoir voté la mort de Louis XVI, Fouché répondit a tempo, en s’inclinant respectueusement : “C’est le premier service que j’ai eu l’honneur de rendre à Votre Majesté !” Les nobles émigrés de vieille souche auxquels Bonaparte avait permis de rentrer en masse, devaient malgré tout les mépriser souverainement … dès qu’ils n’étaient plus en leur présence.

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