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Anniversaire de la Sécu : 70ème ou 221ème?


ISNARD

Incontestablement, la Sécurité Sociale date de 1945. Sans doute, elle résulte du programme politique du Conseil National de la Résistance établi en 1943. La « Sécu » opère la synthèse de toutes les lois sociales qui se sont succédé depuis la Révolution. Mais elle a surtout un ancêtre en ligne directe : le Grand Livre de la Bienfaisance Nationale.

La Convention Nationale a eu recours à des secours ponctuels en faveur de tel individu, telle famille, telle groupe victime à un titre quelconque. C’est le rôle de son Comité des Secours Publics. Dans le même temps, elle commence à appréhender la question sociale globalement. La Convention s’oriente vers des lois plus générales. Ainsi, la Loi du 19 Mars 1793 présentée par BEAUVAIS, député Montagnard de Paris, contient déjà en germe un secours systématique à l’indigence et pose en principe que «le soin de pourvoir à la subsistance du pauvre est une dette nationale.» Le 28 Juin 1793, une Loi générale organise les «pensions, secours et indemnités à accorder aux familles des défenseurs de la Patrie.» Le 14 Octobre 1793, BÖ, député Montagnard de l’Aveyron, présente un rapport qui vise à détruire la mendicité. De même, il faut mentionner les Lois de Ventôse, présentées par SAINT-JUST, député Montagnard de l’Aisne. Ces lois prévoient un recensement des patriotes indigents. Mais les véritables fondations de la Sécurité Sociale sont posées le 11 Mai 1794 (22 Floréal An II) à la suite d’un long rapport de BARERE, député Montagnard des Hautes Pyrénées, au nom du Comité de Salut Public.

Le préambule de ce rapport contient des sentences très actuelles. «La lèpre des monarchies, la mendicité, fait des progrès effrayants dans l’intérieur de la République.» «La mendicité est une accusation ambulante, une dénonciation vivante contre le gouvernement.» «La mendicité» est «l’histoire de la conspiration des propriétaires contre les non-propriétaires.» «Il faut encore faire disparaître (…) l’esclavage de la misère et cette trop hideuse inégalité parmi les hommes.» «C’est à la Convention (…) à faire disparaître la grande inégalité des fortunes.»
Le préambule de ce rapport qui devient une Loi distingue plusieurs cas : les accidents du travail – «les carriers, les maçons, les charpentiers s’exposent à être blessés ou infirmes.» ; l’assurance maladie – «cette multitude de manouvriers nécessaires à l’agriculture (…) contractent tous des maladies.» ; la retraite – «les vieillards indigents auront aussi leur Grand Livre (…) pour y graver leurs droits» ; les allocations familiales – «la fécondité des mariages, loin de craindre la misère, recevra des encouragements et des secours de la République.» Tous ont droit à des secours selon un barème excessivement précis et à certaines conditions.

Ce rapport contient aussi des éléments risibles. Par exemple, on est frappé par le souci du détail chiffré qui confine à l’absurde, avec un plafonnement du nombre de bénéficiaires par district (!), et qui aboutit à un semblant de budget pour le moins hasardeux. On s’interroge sur l’inégalité surprenante de traitement entre l’artisan et l’agriculteur. De même, la gestion délocalisée et plafonnée des médicaments laisse perplexe. Enfin, on remarque l’angélisme des Conventionnels qui se méfient peu des abus possibles : «Les certificats de temps de travail ou d’indigence seront délivrés par la commune.» compensé seulement par «Les agents nationaux des communes veilleront à ce qu’il ne s’introduise aucun abus dans ce service.»
Mais la Convention détermine un âge pour la retraite (soixante ans) et se préoccupe du nombre d’annuités de travail (vingt ans) pour y avoir droit. Elle prévoit également un statut de médecin fonctionnaire, la gratuité des médicaments et la systématisation des soins à domicile.

Aujourd’hui, le régime général de la sécurité sociale comprend trois branches, maladie, retraite et allocations familiales, trois branches qui font écho à la Loi du 22 Floréal An II. La Loi qui établit le Grand Livre de la Bienfaisance Nationale n’a pas pu recevoir d’application. Mais on doit admettre qu’elle jette les bases de la « Sécu » que nous connaissons, il y a plus de deux siècles (!).

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